Genèse de L’Esprit des lois
Le livre XV de L’Esprit des lois (manuscrit) Edition enrichie (version chronologique expérimentale)
La transcription intégrale du manuscrit de L’Esprit des lois conservé à la Bibliothèque nationale de France constitue les tomes III et IV des Œuvres complètes de Montesquieu (C. Volpilhac-Auger éd., Oxford, Voltaire Foundation, 2008).
Les références de page renvoient à cette édition.
L’ensemble comprend des introductions et des annexes (p. I-CCLI et 897-929), permettant de comprendre les spécificités du manuscrit et les méthodes de travail et de composition de Montesquieu.
Chaque livre est accompagné d’une étude introductive approfondie : genèse, évolution, rapport avec l’imprimé et avec l’ensemble de l’œuvre.
Pour les conventions de transcription, voir
Principes de l’édition critique du manuscrit de L’Esprit des lois
(4. Directives de transcription)
http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article876
Pour suivre l’actualité de l’édition des Œuvres complètes de Montesquieu :
http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article902
Livre XV (n.a.fr. 12834, f. 188-244)
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Montesquieu . De l’Esprit des Lois. NAF 12834
Source : gallica.bnf.fr
Nous présentons ici une transcription du livre XV de L’Esprit des lois qui met en valeur la chronologie de la rédaction : à chaque phase est associée une couleur.
Le document est téléchargeable en pdf :
En tête figure le récapitulatif simplifié des consignes de transcription et d’édition.
Une interprétation du livre XV fondée sur la lecture du manuscrit contredit beaucoup d’interprétations antérieures. Voir
http://lire-montesquieu.ens-lyon.fr...
Pour une présentation plus complète et plus générale des principes de cette édition, voir
http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip...
Introduction
Ce livre semble avoir connu les mêmes hésitations que les précédents ; mais surtout, il comprenait à l’origine les deux livres suivants : l’intitulé initial (main H, 1742-1743) fait apparaître l’esclavage domestique et politique. De ce fait la composition doit être envisagée pour les trois livres ensemble : l’actuel livre XVII (de la servitude politique) comporte des chapitres numérotés jusqu’à 39, le XVIe (de la servitude domestique) également, ce qui implique des reconfigurations successives, l’ordre des deux derniers sujets traités n’ayant pas toujours été le même. Cela suppose aussi des recoupements entre ces trois livres. Mais la distinction a été opérée du temps de H, à qui sont aussi dues les pages de titre des livres XVI et XVII.
Composition
Le livre XV est relativement ancien [1] : trois départs de chapitre sont dus à G [2], tous les autres feuillets jusqu’au chapitre 9 inclus étant de la main H, soit vingt-deux. Si l’on y ajoute six feuillets de H inclus dans les chapitres 12, 15 et 17 [3]., c’est plus de la moitié du livre qui se trouve rédigée en 1742, et de manière continue presque toute la première moitié [4]. Comme pour le livre XIV, la première révision de 1743-1744 ne se traduit par aucune intervention autre que ponctuelle de la main L. C’est la main N (1745) qui introduit les éléments nouveaux, O se contentant de quelques ajouts.
Voir en fichier joint le tableau complet de composition du livre XV.
Le livre compte au moins onze chapitres au temps de G : les actuels chapitres [5] 1, 2, et l’essentiel du 7e (sauf la phrase introductive et les trois dernières phrases, qui sont de H) figuraient dans le cours du livre et non pas à son début ; on a donc un renversement comme on peut l’observer au livre XIII.
Il en a au moins vingt-quatre au temps de H : la composition semble alors s’être compliquée, comme le montrent notamment les multiples renumérotations des actuels chapitres 13, 16 et 17, et on ne peut espérer retrouver son mouvement général. Les neuf premiers chapitres sont en tout cas antérieurs à 1743, les corrections postérieures étant presque exclusivement stylistiques, à quelques exceptions près [6] ; le début du chapitre 7 (qui assure une transition avec un passage de G) et les chapitres 8 et 9 sont sans doute les plus tardifs : l’importance des autocorrections de H semble indiquer qu’ils ont été dictés, et qu’ils ne sont donc pas issus de textes antérieurs.
Il en est sans doute de même pour le chapitre 4 : il remplace un « chapitre 4 » qui, incorporé au chapitre 6, en constituait l’essentiel (seul le premier paragraphe est ajouté) ; il existait donc une continuité entre le chapitre 3 et cette partie du chapitre 6 [7].
C’est alors clairement la question de l’origine de l’esclavage qui intéresse Montesquieu, de manière presque exclusive, même si les actuels chapitres 13 et 15, alors déjà écrits, montrent aussi les dangers de l’esclavage pour la liberté de tous (on y reviendra). Un des aspects les plus remarquables de cette phase de 1741-1742 est également le changement de perspective offert par le remplacement de l’expression « origine de l’esclavage » par « origine du droit de l’esclavage » dans le titre des chapitres 2 à 7 [8]
(le chapitre 5 n’en offrant pas l’occasion), ce que reflète la page de titre où « comment l’esclavage… » devient « comment les loix de l’esclavage… ».
L’examen (et la mise en cause) du droit une fois substitué au constat des faits, le mouvement se poursuit avec l’effacement de l’« origine naturelle » de l’esclavage : l’adjectif est biffé au chapitre 6 (f. 203r), mais il apparaît toujours dans la suite (ancienne, main G) du même chapitre et au chapitre 7 (tardif) [9].
La suite n’est pas forcément entièrement nouvelle, même si c’est là qu’on voit intervenir le plus la main N [10]. Deux ensembles s’y laissent repérer, grâce à des titres biffés. Initialement, voire antérieurement à N, apparaissaient au moins trois « abus » de l’esclavage, dont la trace ne subsiste plus que pour le premier et le troisième : contre la vertu des femmes (chap. 11) et lorsque la servitude est à la fois réelle et personnelle (chap. 9 [11]). Puis il était question de deux « dangers » [12] : le début du chapitre 13, qui s’intercale entre cette annonce et l’ancien chapitre 16, « Premier danger », est donc la plus tardive. Cet ancien chapitre 16 a été refait sur le moment, comme en témoignent les autocorrections de N (une partie du texte passe en note au feuillet 228r, une autre est reprise au feuillet suivant).]], dans une partie qui paraît porter plus exclusivement la marque de N :
– à la fin du chapitre 13 (ancien chapitre 16), chez les Romains, le maître étant constamment menacé, les esclaves étaient systématiquement traités comme des ennemis au sein de l’Etat ;
– au chapitre 15 (ancien chapitre 17), le danger est politique, quand un particulier est devenu trop puissant dans une république [13].
Cette phase de rédaction, tout en conservant les idées mêmes, fait disparaître les coutures trop voyantes [14].
La fin du livre (chap. 16 et 17), « Des affranchissements » et « Des affranchis et des eunuques », présente une unité que l’on pourrait dire factice, ou plutôt issue d’un regroupement [15]. Le premier ne doit pas être antérieur à 1745 ; il montre de nombreuses hésitations voire des maladresses d’expression, et il sera beaucoup retravaillé aussi bien lors de la dernière phase (main O, 1745-1747) qu’après l’abandon de ce manuscrit, comme le montre la comparaison avec l’imprimé. La fin du second est ancienne (main H [16]) ; c’est là que Montesquieu choisit d’insérer un passage qui se trouvait aussi au livre XVI [17]. Ce chapitre avait alors déjà valeur conclusive, mais avant l’époque de L, il s’achevait sur l’analyse psychologique de la condition des eunuques, qui fascine Montesquieu depuis l’époque des Lettres persanes, mais aussi de l’Histoire véritable (c. 1734-1739) et de l’Essai sur les causes (c. 1734-1738). Une addition de L (1743-1744) s’y substitue pour qualifier les eunuques de « mal nécessaire » en Orient, ce qui rappelle le caractère contradictoire des institutions despotiques et permet de conclure le livre sur l’affrontement du droit et du fait.
Pour une interprétation du livre XV fondée sur le manuscrit, voir
http://lire-montesquieu.ens-lyon.fr/31610937/0/fiche___pagelibre/
Signes antérieurs ou postérieurs à la rédaction, et signes parasites
Erreur de classement : le feuillet 230 a été placé dans ce livre (à la place voulue par le numéro de chapitre), alors qu’il correspond au livre XII (chapitre 28, initialement 14e) de la même main H (t. III, f. 90r), qui porte le même titre :
HChapitre 14. ¶Des égards que le prince doit a ses sujets dans un gouvernement
F. 188r, au-dessous du titre du livre, centré (à côté des essais de plume : la lettre M ?) :
le c ¶Quatorze
F. 191v, en haut du feuillet , des chiffres, dont : 174 1/2
Même feuillet, tête-bêche, biffé, ancien en-tête de chapitre : HChapitre 1 ¶Des esclaves.
F. 199v, tête-bêche, biffé, ancien en-tête de chapitre :
HChapitre 11 ¶Des affranchis
Voir en ligne : Manuscrit de L’Esprit des lois, Bibliothèque nationale de France (n.a.fr., 12835)