État présent de l’édition des Œuvres complètes de Montesquieu avril 2013

, par Volpilhac-Auger, Catherine

État présent de l’édition des Œuvres complètes de Montesquieu

(avril 2013)

Sur les 21 volumes prévus, 13 ont paru, le quatorzième est sous presse : c’est dire que, en dépit des multiples et graves difficultés inhérentes à ce genre d’entreprise, celle-ci avance depuis 1998, date de la publication du premier volume de la Correspondance, à un rythme quasi annuel (voir ci-après le tableau de l’édition).

Le Prospectus, signé de Jean Ehrard, à qui est due l’initiative de cette édition, et qui l’a longtemps dirigée, a paru en 1991. La Société Montesquieu avait été fondée en 1987, avec pour but essentiel de la lancer et de l’accompagner.

Après tant d’années écoulées, il peut être utile de faire le point des progrès accomplis, et de ce qui reste à accomplir.

Une étape importante a été franchie, en 2010, avec la publication du tome 7 (Défense de l’Esprit des lois) en coédition avec ENS Éditions et les Éditions Classiques Garnier. Des conditions financières devenues inacceptables, une gestion des comptes déficiente et de graves carences de la diffusion nous ont obligés de quitter la Voltaire Foundation d’Oxford, dont pourtant la qualité du travail éditorial et de la réalisation des volumes nous avait donné toujours satisfaction.

Programme d’édition des volumes qui restent à publier

Mes voyages (nous avons adopté ce titre conforme à l’usage constant de Montesquieu) : le tome 10, dirigé par J. Ehrard, avec la collaboration de Gilles Bertrand, a été publié à l’automne 2012 . Il comprend le voyage en Autriche, le Voyage d’Italie (qui se poursuit en Allemagne et en Hollande), les Notes sur l’Angleterre, la Lettre sur Gênes, Florence la Galerie du Grand-duc, et les Mémoires sur les mines.

Ce volume renouvelle profondément la connaissance de ces textes, par la fidélité aux manuscrits (celui des notes prises par Montesquieu dans les mines du Harz est transcrit intégralement pour la première fois), et par l’annotation confiée à des spécialistes historiens des pays concernés et historiens de l’art. Le statut particulier du manuscrit principal (copié après la mort de Montesquieu, et non sous son autorité comme on l’a cru longtemps), a incité à le considérer d’un œil critique. C’est un ensemble d’une très grande richesse qui est ainsi présenté, comparé à d’autres récits de voyage et replacé dans la perspective propre à Montesquieu.

L’édition de la Correspondance (t. 19-21) est placée sous la direction de Philip Stewart et de Catherine Volpilhac-Auger. Celle des années 1731-1746 (t. 19) devrait paraître à la fin de 2013. Le tome 20 (1747-1749) est programmé pour 2015. Les principes de transcription ont été fortement revus par rapport à ceux du tome 18 ; ils sont désormais alignés sur ceux qui sont en vigueur pour l’ensemble des Œuvres complètes

(voir http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890)

Par rapport à d’autres corpus de correspondance (comme celle de Voltaire, de La Beaumelle ou de Mme de Graffigny), celle de Montesquieu n’est pas considérable (moins de 1 000 lettres reçues ou envoyées). Chaque nouvelle découverte constitue donc presque un événement. La nouvelle édition permet de présenter, outre quelques lettres absolument inédites (ces dernières années, il s’en découvre à peu près une par an), les apports majeurs depuis la dernière grande publication de cette correspondance (éd. F. Gébelin, dans Montesquieu, Œuvres complètes, Nagel, 1955) : les découvertes de Robert Shackleton dans des bibliothèques anglaises et françaises (1958 et 1969), la collection d’Aux publiée en 1982 par René Pomeau dans la Revue française d’histoire littéraire de la France, les trouvailles d’Antonio Rotondo en Italie (2008), de Jens Häseler, de Fabiana Di Brazza’, les acquisitions de collectionneurs privés, celles, particulièrement importantes, de la bibliothèque de Bordeaux, sont autant d’enrichissements importants : par rapport à l’édition de 1955, plus d’une centaine de lettres supplémentaires seront présentées.

Le tome 19, de plus de quatre cents pages, porte sur la période qui va du retour des voyages (1731) à l’envoi du manuscrit de L’Esprit des lois à Genève (juin 1747). Il comprend les lettres 365 – 651, soit 288 (car une lettre dont la datation a été récemment modifiée est numérotée en « bis ») : le nombre des lettres est en fait sensiblement identique à celui du tome XVIII (364), car il a été décidé de n’attribuer de numéro qu’aux lettres conservées ou attestées par des témoignages, et non à celles dont l’existence se déduit seulement d’autres lettres). À titre de comparaison, pour la même période, l’édition Gébelin de 1955 en fournissait 151 ; la différence vient de l’inclusion des collections ou découvertes mentionnées ci-dessus, mais aussi de la nouvelle datation de plusieurs lettres jusque-là mal identifiées.

L’ouvrage comporte également une importante série d’annexes, dont l’ensemble fait plus de cent pages, traitant notamment de la participation de Montesquieu à la franc-maçonnerie, ou de son long procès contre Licterie puis contre les jurats de Bordeaux (1726-1743) à partir de documents en quasi-totalité inédits, ou encore de l’interaction entre un différend avec les Trésoriers de France et L’Esprit des lois, à propos de la réfection d’un chemin. Nombre de personnages mentionnés par les Pensées sont également signalés dans ce volume, qui montre un aspect relativement peu connu de Montesquieu : son activité « mondaine », ou pour mieux dire son insertion dans la société parisienne et dans un réseau international d’amis et de correspondants ; apparaît également son intérêt constant pour l’académie de Bordeaux.

La relecture a été demandée à plusieurs historiens : Pierre-Yves Beaurepaire (Nice), Isabelle Brancourt (Lyon), Jean-Pierre Poussou (Paris et Bordeaux), et à l’historien du livre Gabriel Sabbagh.

L’ouvrage est publié sous la direction de Philip Stewart et Catherine Volpilhac-Auger. Texte établi par Caroline Verdier et Catherine Volpilhac-Auger, avec la collaboration de †Louis Desgraves. Bibliographie établie par Cecil Patrick Courtney.

Textes annotés par François Cadilhon, Cecil Patrick Courtney, Jens Häseler, Nadezda Plavinskaia, Philip Stewart, Catherine Volpilhac-Auger.

Tous les sociétaires à jour de leur cotisation 2013 pourront commander un exemplaire de cet ouvrage avec une remise de 50% : après une circulaire informant de la publication à venir, les Éditions Classiques Garnier enverront un bon de commande réservé aux membres la Société Montesquieu.

La publication des Extraits et notes de lecture II (t. 17, sous la direction de R. Minuti) est prévue en 2014, complétant l’ensemble dont la publication s’est ouverte en 2007 avec l’édition intégrale des Geographica. Ce volume révélera un grand nombre de textes inédits, extraits d’ouvrages divers (Huet, Bochart, Dubos, Dutot, le Dictionnaire de commerce de Savary Des Brulons…), et les rares notes marginales que Montesquieu ait inscrites sur ses ouvrages. Surprenantes, les annotations dont il couvre son exemplaire de l’Application de l’algèbre à la géométrie de Guisnée (l’annotation a été confiée à J. Peiffer) ; remarquables aussi celles qui figuraient sur un exemplaire des œuvres complètes de Cicéron, dont la copie manuscrite a été découverte par C. Volpilhac-Auger, témoignage passionnant et jusqu’ici inconnu de la curiosité philosophique du jeune Montesquieu autour des années 1710 (Pierre Rétat éd.).

L’Esprit des lois (imprimé, t. 5-6). L’établissement du texte avait fait l’objet de discussions sérieuses en 2007 ; il avait alors été décidé de revenir sur la décision de prendre comme texte de base l’édition originale (Genève, Barrillot, 1748), l’édition parisienne de 1750 offrant de meilleures garanties de qualité (voir le compte rendu de la réunion du 17 février 2007

http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article882)

La connaissance de l’histoire du texte a fortement progressé ces dernières années, grâce aux travaux de Gabriel Sabbagh, C. Volpilhac-Auger et Françoise Weil (Un auteur en quête d’éditeurs ? Histoire éditoriale de l’œuvre de Montesquieu (1748-1964), Lyon, ÉNS Éditions, 2011), dont la première partie retrace, en cinq chapitres, l’apparition d’éditions concurrentes mais bénéficiant toutes d’apports de Montesquieu, et explique le rôle de Jacob Vernet dans la première édition. Les conséquences sur l’édition de L’Esprit des lois en sont nombreuses.

Malgré les difficultés posées par l’existence de trois tirages successifs ou parallèles en 1750, le texte a été solidement établi par les soins de Caroline Verdier, avec les variantes de la version finale du manuscrit, de l’édition genevoise de 1748, de l’édition parisienne de 1749, et des éditions posthumes de 1757-1758, fortement corrigées et augmentées.

L’annotation devrait commencer prochainement. Aucune date ne peut encore être fixée sérieusement pour la publication (voir aussi ci-après).

Restent Mes pensées (t. 14-15), que les directeurs de l’édition ont été contraints de reprendre intégralement en main, à la suite de la défection de Carole Dornier. Pour le détail de cette affaire on se reportera au compte rendu de la réunion du comité de direction du 16 octobre 2010,

http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article879

ainsi qu’à celui de la réunion du 27 juin 2009,

http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article880

où le projet de mise en ligne des Pensées à Caen avait déjà marqué une première tentative d’abus de pouvoir. Contentons-nous de quelques mots. Assumant depuis 2002 la direction de l’édition, C. Dornier a non seulement accumulé les retards, donné successivement des specimens d’annotation insuffisants, mais elle a élevé des revendications insoutenables, en se prétendant seule détentrice des droits sur le texte, au mépris de ceux de la Société Montesquieu, occultant aussi les aides financières et les collaborations scientifiques qui lui avaient été généreusement consenties. Enfin en rompant avec nous C. Dornier a prétendu emporter la transcription comme un bien personnel.

L’édition repart donc, sous la direction de C. Volpilhac-Auger. Le texte, en une année, a été intégralement transcrit par C. Verdier et P. Rétat. L’équipe des annotateurs, restée à nos côtés, nous a communiqué toutes les notes déjà faites ; elle a été renforcée, notamment grâce à des historiens (ce qui manquait cruellement à l’équipe précédente), et s’est remise au travail. L’objectif, auquel seront consacrées toutes les forces, est de les publier en 2015-2016.
L’achèvement des Œuvres complètes est à ce prix : en effet, il est indispensable pour annoter L’Esprit des lois, de disposer de toutes les informations nécessaires, contenues dans les trois tomes du manuscrit des Pensées : essais de rédaction ou expérimentation d’hypothèses antérieures à la composition de L’Esprit des lois, ou rejets de cet ouvrage, ce sont autant de documents qui, outre leur intérêt intrinsèque pour l’histoire de la pensée de Montesquieu, doivent absolument être connus pour que puisse avancer l’édition de l’œuvre majeure de Montesquieu. L’annotation en est donc prioritaire.

Pierre Rétat et Catherine Volpilhac-Auger
Tableau chronologique des volumes parus

1998 Correspondance I (t. 18)

2000 Considérations sur les Romains et Réflexions sur la monarchie universelle (t. 2)

2002 Spicilège (t. 13)

2003 Œuvres et écrits divers I (t. 8)

2004 Introductions générales de l’édition et Lettres persanes (t. 1)

2005 Collectio juris (t. 11-12)

2006 Œuvres et écrits divers II (t. 9)

2007 Extraits et notes de lectures I (Geographica) (t. 16)

2008 De l’esprit des loix (manuscrits) (t. 3-4)

2010 Défense de l’Esprit des lois (t. 7)

2012 Mes voyages (t. 10)

Chronologie estimative des volumes à paraître

Fin 2013 Correspondance II (t. 19)

2014 Extraits et notes de lecture II (t. 17)

2015Correspondance III (t. 20)

2015-2016 Mes pensées (t. 14 et 15)

2017 Correspondance IV (t. 21)