Réunion du 16 octobre 2010 ENS de Lyon, 10h30-17h

Présents : C. Dornier, R. Minuti, A. Postigliola, P. Rétat, Ph. Stewart, C. Verdier, C. Volpilhac-Auger.
Excusés : C. P. Courtney, J. Ehrard (empêchés par la grève des transports).

Le comité de direction accueille Philip Stewart qui, ayant accepté d’assumer avec C. Volpilhac-Auger la responsabilité de l’édition de la Correspondance, y entre à ce titre.

Le tome 7, Défense de L’Esprit des lois, vient tout juste d’être publié. P. Rétat rappelle les difficultés que la préparation de ce volume a rencontrées, faute de direction fiable, jusqu’à ce que les directeurs de l’édition reprennent les choses en main (P. Rétat prenant ensuite la plus grande part du travail) . Ce volume inaugure la collaboration d’ENS-Éditions et de Classiques Garnier, la première maison d’édition assurant la préparation du texte jusqu’au prêt à clicher compris, et la seconde l’impression et la diffusion. La mise au point de cette collaboration a été laborieuse et a nécessité de nombreux échanges jusqu’à la fin : C. Volpilhac-Auger a mené cette opération de bout en bout, comme la longue négociation qui a abouti à l’établissement des contrats.
Tous ceux qui ont vu le volume s’accordent pour trouver la réalisation parfaitement réussie. Le directeur de l’ENS désire en faire à l’extérieur une illustration de son école. Un effort financier sur le prix a été fait par Classiques Garnier pour stimuler la vente. On peut espérer que grâce à son réseau de distribution et à la qualité de sa publicité ce volume des Œuvres complètes bénéficiera des condition de diffusion qui ont tant manqué aux volumes précédents.

Malgré les demandes répétées que lui a adressées depuis des mois C. Volpilhac-Auger, la Voltaire Foundation n’a pas réussi à nous fournir le bilan financier pour les volumes qu’elle a publiés, bilan que les maisons d’édition fournissent automatiquement aux auteurs sans qu’ils aient besoin de le demander. Les membres du comité de direction ont beau retourner la question dans tous les sens et chercher une solution, ils se heurtent toujours au constat de l’incapacité comptable de la Voltaire Foundation et à l’incertitude de tous les moyens de recours.

Caroline Verdier, faisant valoir ses droits à la retraite, quitte l’équipe en septembre prochain. Non seulement ses compétences dans le domaine de l’édition lui ont permis d’assurer la révision et la coordination des textes, assurant une qualité éditoriale irréprochable aux volumes depuis les tomes 11-12 dont elle a mené à bien la réalisation (Collectio juris, 2003) mais elle a pleinement concouru à nos travaux en établissant le texte de L’Esprit des lois (t. 5-6) et de la Correspondance pour les tomes 19-21 (après en avoir reconstitué le corpus).

Avancement de l’édition

— Voyages (t. 10, responsable J. Ehrard). Le texte a été reçu à Lyon en mars 2009. C’est le dernier que contrôlera jusqu’au bout C. Verdier. Prévue à la fin de 2010, la publication ne pourra avoir lieu avant la fin 2011 ou le début 2012. Ce retard est la conséquence du retard antécédent du tome 7, mais il est surtout dû à des interventions lourdes sur le texte (fichiers, transcription et notes) auxquelles ont été contraints les directeurs de l’édition : réduction du volume des introductions et surtout des notes qui excédaient de loin (et parfois de très loin, allant jusqu’à 170% du texte) les proportions acceptables et rendaient le volume impubliable ; correction de rédactions diffuses ; transfert des notes E (ancienne manière, abandonnée depuis plusieurs années) en notes de bas de page (ce qui finalement s’est fait en partie par les soins d’une vacataire). Ce volume pose des problèmes redoutables de mise au point, par l’abondance des abréviations de titres et la nécessité d’index longs et complexes. Le travail de mise au point, dû pour l’essentiel à Pierre Rétat, touche à sa fin ; le texte pourra être remis à C. Verdier dans un ou deux mois, et à ENS Editions au printemps (entretemps, A.-L. Martin sera sollicitée pour une relecture typographique).

— Extraits et notes de lecture II (t. 17). Le responsable, Rolando Minuti, expose l’état actuel des travaux ; il ne reste que très peu de textes dont la transcription et l’annotation n’aient pas été reçues, ce qui permet de prévoir l’envoi du texte (l’introduction exceptée) à C. Verdier au printemps 2011. Un parti doit être pris, pour les Notes sur Cicéron, sur le choix de la traduction des passages en latin (traduction d’époque ou moderne). Le point, soulevé par l’éditeur de ce texte, Miguel Benítez, fait problème : sa préférence pour une traduction de Cicéron contemporaine de Montesquieu suscite beaucoup d’interrogations et méritera d’être fortement justifiée dans l’introduction. Sans remettre en cause l’autorité de M. Benítez sur son travail, le comité s’interroge sur un tel choix et demande à R. Minuti de transmettre ses doutes.

— Correspondance (t. 19-21, responsables C. Volpilhac-Auger et Ph. Stewart). Décision est prise pour la répartition entre les volumes : le tome 19 comprendra les années 1731-1746 (environ 390 pages), et les tomes 20-21 les années 1747-1755 (environ 720 pages pour les deux tomes) : l’annotation est donc presque entièrement achevée pour environ 60% du tome 19. C. Verdier a reconstitué le corpus et fait la transcription de l’ensemble (il comptera 1000 lettres, soit environ 250 pour chacun des quatre tomes, au lieu de 750 dans l’édition Masson) ; de nombreuses datations, approximatives ou injustifiées dans l’édition Gébelin ou dans les lettres publiées par R. Pomeau en 1982, ont dû être rectifiées (il est rappelé que l’édition Gébelin de 1914 avait été réalisée en 18 mois, et qu’elle était intégralement reprise en 1955 dans l’édition Masson : le travail critique était faible). Des documents (pièces de procès) grossiront le tome 19, dont le texte pourrait être prêt en septembre 2011. L’annotation de tout ce qui a trait à ces procès ne pouvant être assurée par François Cadilhon, qui ne peut dégager de temps pour ce travail, C. Volpihac-Auger s’est chargée des recherches nécessaires à Bordeaux et en particulier dans le fonds de La Brède.

— Pensées (t. 14-15). Selon C. Dornier la transcription est achevée (les tomes 2 et 3 du manuscrit ont été relus par A.-L. Martin). Deux collaborateurs (C. Spector et Ph. Stewart) ont rendu la totalité de leurs notes ; les autres doivent le faire en mars 2011.
C. Dornier déclare sa volonté d’abandonner toute responsabilité dans l’édition des Pensées, transcription et annotation, en arguant de l’« insécurité » et de l’« instabilité » de sa situation, c’est-à-dire de l’absence de contrat et de directives écrites. Elle insiste sur la crainte qu’elle éprouve que ses « droits » ne soient pas préservés.

Une fois cela dit, il lui est répondu qu’aucun autre responsable d’une partie de l’édition n’a éprouvé ces craintes, ni tenu à signer un contrat avant que le texte achevé soit remis à l’éditeur ; que les directives, présentées comme instables par C. Dornier, n’ont été modifiées que marginalement depuis le début de l’édition (les modifications ne portant que sur des questions purement typographiques), qu’elle a reçu de C. Verdier un rappel très clair des normes de présentation (d’ailleurs essentiellement fondées sur les conventions en usage dans l’édition française), et que les derniers volumes parus en sont une démonstration visible. Quant aux principes mêmes de l’annotation, ils ont fait leurs preuves et n’ont nullement changé.

Mais l’essentiel est ailleurs : C. Dornier, qui travaille sur ces deux tomes depuis 2002, a rendu depuis 2008, et encore tout dernièrement (septembre 2010), sur les instances pressantes des directeurs, des ensembles de notes formant « spécimens » qui révèlent sans doute de l’un à l’autre des progrès, mais aussi une incapacité persistante à fournir une annotation répondant en son intégralité aux critères de qualité qu’ils ont pour mission de maintenir : des notes très satisfaisantes voisinent avec des passages défaillants, qui ne répondent nullement aux exigences minimales (pertinence par rapport au texte de Montesquieu, exactitude et qualité de l’information apportée). Dans ces conditions, sa décision de se retirer, en faisant regretter aux directeurs des Œuvres complètes toutes les années perdues pour l’édition des Pensées et toute leur énergie dépensée en vain, ne les surprend pas. Ils souhaitaient proposer à Carole Dornier de prendre conjointement avec elle la direction des deux volumes des Pensées pour tenter de mener à bien l’édition. Sa décision évite de nouvelles difficultés et de nouveaux conflits.

Les directeurs de l’édition sont donc contraints de reprendre intégralement en main les Pensées : 1/ la transcription : C. Dornier la considère comme sa propriété et souhaite obtenir le statut d’auteur (unique) d’une œuvre collective, bien que plusieurs chercheurs y aient collaboré et aient apporté une contribution non négligeable (mises au point de transcriptions et relecture de son propre travail) ; il est signalé aussi qu’elle a bénéficié largement des crédits de l’UMR lyonnaise en missions et en vacations. Cette assimilation à une œuvre collective, contraire à tous les usages de la Société Montesquieu et à la réalité du travail effectué, est énergiquement refusée par le comité de direction.

Dans ces conditions les directeurs considèrent qu’aucun accord ne peut être trouvé ; ils préfèrent envisager de refaire la transcription, ce qui est loin de constituer un obstacle insurmontable, compte tenu de leur expérience en la matière.

2/ annotation : ils vont reprendre contact dans les meilleurs délais avec les collaborateurs, et travailler avec eux à la reprise, à la poursuite et à l’achèvement de l’annotation, en partant de ce que ceux-ci avaient envoyé initialement à C. Dornier.

Les directeurs, sans pouvoir s’engager sur un terme, espèrent néanmoins que le délai de publication ne sera pas démesuré : certes, huit années paraissent perdues, mais l’entreprise repose essentiellement sur le travail des annotateurs, qu’il s’agit de mettre au point et de compléter. Il importe avant tout d’apporter aux annotateurs toute l’information nécessaire sur les principes de l’annotation et de les aider à les mettre en application.

— L’Esprit des lois imprimé (t. 5-6).Trois journées d’étude en préparation à l’édition sont prévues à l’ENS de Lyon les 5 février, 2 avril, 7 mai 2011 (le programme en sera prochainement disponible sur le site). A. Postigliola s’engage à annoter le livre XI pour l’automne 2011 : cela devrait relancer l’édition. L’étude des éditions de 1748-1750 et des errata a été profondément renouvelée récemment comme le montrera l’ouvrage de C. Volpilhac-Auger, avec le concours de Fr. Weil et de Gabriel Sabbagh, à paraître à ENS Editions en 2011 (Un auteur en quête d’éditeurs ? Montesquieu (1748-1964)).

L’examen minutieux des variantes (fondé sur le travail de C. Verdier) suscite beaucoup d’interrogations : le risque est grand que des erreurs introduites dans les éditions de 1749 et de 1750 (Huart et Moreau), éditions théoriquement « corrigées » par Montesquieu, persistent dans les éditions posthumes et fassent désormais partie de la tradition textuelle (preuve en est faite à partir du livre XXI, où presque la moitié des modifications introduites en 1749-1750 semblent injustifiées ou discutables, un tiers n’ayant jamais été corrigé ultérieurement) ; et l’édition de 1758, loin d’être une simple copie de l’édition de 1757, semble au contraire avoir été privilégiée, et avoir même origine, donc autant de légitimité, que l’édition de 1757. L’édition critique devra tenir compte de ces observations.