Soutenance de doctorat

Daniel Mansuy Huerta, Montesquieu lecteur de Machiavel. Enquête sur les fondements de la liberté des modernes Université de Rennes I, 8 mars 2012

, par Volpilhac-Auger, Catherine

Daniel Mansuy Huerta soutiendra le 8 mars 2012 à 14h, à la faculté de droit et science politique de l’Université de Rennes 1, une thèse de doctorat intitulée

« Montesquieu lecteur de Machiavel. Enquête sur les fondements de la liberté des modernes »

Thèse dirigée par M. le professeur Philippe BÉNÉTON

Faculté de droit et de science politique

Université de Rennes 1

Jury :

Philippe Bénéton, Céline Spector, Pierre Manent, James W. Ceaser et Jean Baudouin

Présentation

Tout au long de l’œuvre de Montesquieu, Machiavel ne reçoit que neuf mentions directes et deux indirectes (allusions au machiavélisme). On ne saurait pas pour autant conclure à partir de ce fait que le Florentin n’exerce aucune influence sur la pensée de Montesquieu. D’un côté, les rares mentions de Machiavel restent énigmatiques, et laissent des nombreuses questions ouvertes : on y trouve des hommages à cet « grand homme », des critiques acerbes et même une mention d’importance retirée de l’édition définitive de L’Esprit des lois. D’un autre côté, nous savons que Montesquieu n’aime pas citer ses sources. En ce qui concerne Machiavel notamment, il y a des textes où il est à peu près certain qu’il discute avec lui sans prendre le soin de le nommer (l’exemple les plus évident étant les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence). La thèse se propose alors de tenter de suivre le fil de ce dialogue, dialogue certes caché, mais qui semble être central dans l’articulation interne de la politique moderne.
La thèse se divise en trois parties. La première s’intitule « Art d’écrire et art de lire : Machiavel et Montesquieu ». Son but est d’expliciter la méthode suivie lors de notre recherche, méthode qui doit beaucoup aux travaux de Leo Strauss. Cette partie expose les axes principaux de l’art de lire straussien, et les critiques dont il a été l’objet — notamment de la part de Quentin Skinner. Sont présentées ensuite les principales pistes fournies par Machiavel et Montesquieu permettant de penser qu’ils pratiquaient, au moins dans une certaine mesure, un art d’écrire ésotérique.

La deuxième partie s’intitule « Le moment machiavélien de Montesquieu : les Considérations sur les Romains », et cherche à montrer la profonde trace machiavélienne présente dans ce texte. En effet, les Considérations sont largement inspirées par les Discours sur la première décade de Tite-Live, et Montesquieu fonde toute sa réflexion à partir des idées machiavéliennes. Cette partie examine d’abord la manière dont Montesquieu aborde le problème « Rome », et porte ensuite son attention au problème de la religion et son rapport au politique.

Le titre de la troisième partie est « Présence et distance de Machiavel : le projet de L’Esprit des lois ». Cette partie tente d’éclairer le projet politique et philosophique de Montesquieu, tel qu’il est présenté dans son célèbre ouvrage, à partir de son rapport avec son prédécesseur florentin. Ici l’influence du Florentin se fait plus obscure que dans les Considérations, et on peut même dire que, par moments, le dessein libéral de Montesquieu cherche à réfuter certains paradigmes machiavéliens. Cependant, la réfutation du machiavélisme est faite sur le terrain de Machiavel : Montesquieu accepte les prémisses du Florentin. L’attention est portée particulièrement à la science des régimes du Bordelais, car la mise en rapport avec Machiavel permet d’élucider les nombreux détours suivis par Montesquieu à ce sujet. La notion de vertu reçoit un examen détaillé, puisque c’est un concept sur lequel les philosophies et les desseins des deux auteurs se croisent, particulièrement en ce qui concerne leur rapport avec le monde ancien. Est analysée ensuite la façon dont Montesquieu reprend la théorie machiavélienne des humeurs, en lui donnant une forme institutionnelle. Enfin, cette partie cherche à montrer comment Montesquieu entend donner une réponse libérale au problème politique soulevé par Machiavel. Pour ce faire, le baron de la Brède essaye de désactiver les humeurs machiavéliennes en ayant recours à deux concepts : la représentation politique et le commerce. Il pose ainsi les bases de ce que va devenir la liberté des modernes, sans proposer pour autant une solution univoque au problème politique.