Tome 13

Spicilège

Edité par Rolando Minuti et annoté par Salvatore Rotta. 2002.

Terme technique d’agriculture désignant en latin l’action de glaner, de recueillir dans les champs les épis échappés aux moissonneurs, « spicilegium » - spicilège - s’entend métaphoriquement comme recueil de documents inédits, « collection de pièces, d’actes et de documents qui n’avaient jamais été imprimés » (Journal des savants, 1978). Dès le début du XVIIIe siècle, le terme signifie également, comme en témoigne le Dictionnaire de Trévoux (1752), « recueil de morceaux, de pensées, d’observations ». Troisième volume publié de la nouvelle édition des Œuvres complètes, cette édition du Spicilège met l’accent sur la particularité de l’œuvre : le Spicilège attribué à Montesquieu a une existence avant Montesquieu, et s’il est possible d’en dater la composition entre les années 1703 ou 1704 et la première moitié de 1705, son auteur demeure à nos yeux inconnu. En effet, de ce premier rédacteur anonyme, nous ne savons pour ainsi dire rien, sinon qu’il fréquentait la maison mère de l’Oratoire et par conséquent le Père Desmolets qui, une fois en possession de l’ouvrage, le confia à Montesquieu (probablement à son départ de Paris fin 1713). Ce qui fut longtemps désigné comme le « Recueil Desmolets » est donc composé des 202 fragments choisis au sein du cahier de notes primitif par Montesquieu, qui en donna, de retour à Bordeaux, la transcription à deux secrétaires. Cette transcription n’est pas dénuée d’intérêt : non seulement Montesquieu en a revu le texte, corrigeant voire censurant quelques passages audacieux, mais il y a ajouté (en les signalant comme telles) des observations personnelles. L’introduction de la nouvelle édition, à ce titre, fait bien la part des choses : le recueil initial est composé d’extraits, voire de reproductions de passages entiers de livres ou de journaux, essentiellement le Journal des savants et les Mémoires de Trévoux. Tout en restant fidèle au projet initial, le Spicilège de Montesquieu introduit plusieurs nouveautés : outre les nombreuses citations de passages contestés de l’Ancien Testament, Montesquieu y manifeste son intérêt pour le commerce, le change, la démographie, la situation des finances et la dette publique anglaise... Les journaux consultés (Gazette d’Amsterdam, Gazette d’Utrecht, Gazette de France, Craftsman, etc.) témoignent eux aussi d’un intérêt réel pour l’actualité politique et géopolitique récente. Enfin, les échos de conversations entre Montesquieu et d’importants esprits de son temps trahissent des curiosités plus variées que son prédécesseur. « Suite décousue de réflexions », « vaste dépôt de nouvelles et d’anecdotes » (p. 35), sans lien direct avec les grandes œuvres, le Spicilège n’en permet donc pas moins de prendre la mesure du « travail de l’œuvre ».