Dans une brève rubrique matinale d’été de France-Culture (3 minutes), le philosophe Nassim El Kabli évoque "le vrai métier" de ceux dont on ne connaît généralement que l’œuvre. Le 1er août 2023, il traite de Montesquieu. On y apprend un certain nombre de choses, pas toutes justes.
Ainsi Montesquieu n’aurait exercé la charge de président qu’à partir de 1723 - pour des raisons d’âge, il ne put présider pleinement qu’à partir de cette date, mais c’est à partir de 1716 qu’il exerça réellement sa charge [1]. Mais cela est véniel.
On apprend également que dans la "mercuriale" (terme qui n’est pas expliqué) qu’il prononce à la rentrée du parlement de 1725, il "dessine l’histoire de la magistrature depuis l’origine de la monarchie" ; c’est beaucoup, pour ce qui occupe à peu près 3 lignes dans les éditions actuelles (mais on sait que Montesquieu est dense).
On n’en est que plus surpris, dit le chroniqueur, que dans L’Esprit des lois, "il [soit] très peu question de justice". De fait, c’est surprenant, surtout quand on lit les livres VI ("Conséquences des principes des divers gouvernements par rapport à la simplicité des lois civiles et criminelles, la forme des jugements et l’établissement des peines") et XII ("Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec le citoyen").
Quant à l’évocation du juge qui ne serait que "la bouche de la loi", il serait utile de rappeler que cela concerne le système anglais (XI, 6), et qu’en l’occurrence les juges sont les jurés, comme le rappelle Norbert Campagna dans l’article "Arbitraire" du Dictionnaire Montesquieu.
Mais enfin tout cela s’expliquerait, car Montesquieu ne se poserait pas en juriste, est-il déclaré en conclusion. C’est oublier que dans la Défense de l’Esprit des lois, Montesquieu se proclame constamment "jurisconsulte" [2], tout comme dans la correspondance suscitée par la mise à l’Index de L’Esprit des lois [3].
Ces trois minutes ont donc été particulièrement denses.