Les trente ans de la Société Montesquieu à l’Académie nationale de Bordeaux : présentation, par Hélène de Bellaigue Actes de l’académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux
26-28 SEPTEMBRE 2019
LES TRENTE ANS DE LA SOCIETE MONTESQUIEU
par Hélène de Bellaigue
Membre résidant
L’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux a souhaité participer aux côtés de la Société Montesquieu à la célébration de ses trente ans d’existence, Bordeaux et sa région ayant été choisies pour accueillir les différentes manifestations du 26 au 28 septembre 2019. Ce fut l’occasion de réunir les deux sociétés liées moralement par le président de Montesquieu. Charles Louis de Secondat, élu en 1716 en qualité de membre ordinaire, se montra très actif au sein de la jeune académie. Il dirigea notre compagnie à quatre reprises : 1718, 1726, 1735, 1748. Il fut très assidu aux séances au cours desquelles il lut plusieurs dissertations issues de sa plume [1], prononça des recensions sur des écrits de ses confrères et encouragea la publication des travaux de l’Académie : il faut, dit-il, « donner des mémoires au public [2] ».
La Société Montesquieu, fondée en 1987 par Jean Ehrard, a pour but de susciter, favoriser et coordonner toute étude, recherche ou publication relative à la personne, la vie et l’œuvre de Montesquieu. Elle se propose en particulier d’aider à une édition scientifique et exhaustive de ses écrits [3]. C’est une association de type loi 1901, de composition multinationale. Elle réunit des chercheurs de tous pays et de toutes disciplines. Elle est présidée par le professeur Catherine Volpilhac-Auger, membre correspondant de notre Académie. Dès 1758, soit trois ans après la mort de Montesquieu, des entreprises commencèrent à se succéder pour offrir aux lecteurs des textes fondamentaux enrichis des découvertes d’écrits trouvés dans des fonds d’archives ou de bibliothèques. Au cours du XIXe siècle, les descendants de Montesquieu ouvrirent les portes de la bibliothèque du château de La Brède, où étaient conservés plus de quatre mille livres et de nombreux documents d’archives, à des chercheurs désireux de travailler et d’enrichir les connaissances sur le philosophe. Parmi ces personnalités, on compte des membres de l’Académie tel que Jules Delpit, élu membre en 1848, cofondateur de la Société des Bibliophiles de Guyenne, qui, en accord avec les descendants de Montesquieu, publia des manuscrits inédits [4]. Raymond Céleste, conservateur de bibliothèque, élu membre de l’Académie en 1884, s’adonna à un travail de repérage et de classement des manuscrits de Montesquieu et à un examen approfondi du catalogue de sa bibliothèque, restée à La Brède. Ses travaux furent interrompus par son décès subit en 1912. Le chantier fut repris par Reinhold Dezeimeris (1835-1913) - élu membre résidant de la Compagnie en 1863 -, François Gébelin, successeur de Raymond Céleste à la bibliothèque municipale de Bordeaux, et André Masson - qui occupa un siège à l’Académie à partir de 1939. Au terme de ce travail une nouvelle édition des Œuvres complètes de Montesquieu vit le jour en 1950-1955 [5]. Enfin, il convient de citer Louis Desgraves, qui fut un des membres fondateurs de la Société Montesquieu et également membre de l’Académie : élu membre résidant en 1955, il en devient président en 1969 et secrétaire perpétuel de 1987 à 1998. À partir de sa prise de fonction à la tête de la bibliothèque municipale de Bordeaux en 1947, et jusqu’à son décès en 1999, il effectua un travail considérable de recensement, classement et description des manuscrits et écrits de Montesquieu. L’immense tâche à laquelle il s’était adonné lui permit d’éditer de nombreux ouvrages et répertoires de la plus grande utilité pour toutes les recherches menées encore aujourd’hui [6]. La mention de Pierre Botineau fut elle aussi légitime dans le contexte que nous évoquons lors de ces manifestations de 2019. Il prit la direction de la bibliothèque de Bordeaux en 1981 et siégea à l’Académie à partir de 1992. Il en fut président en 2004. Il fut aussi membre du conseil d’administration de la Société Montesquieu, et surtout il mena à son terme les négociations et protocoles qui aboutirent à la dation de Chabannes. Jacqueline de Chabannes, dernière descendante de Montesquieu propriétaire du château de La Brède, avait toujours favorisé l’accès des chercheurs aux documents sur son ancêtre et souhaita à la fin de sa vie faire don de l’ensemble documentaire qui était resté au château. Elle officialisa sa démarche en 1994, par ce geste remarquable. C’est depuis une ressource exceptionnelle, qui est à la disposition du public. La société Montesquieu poursuit désormais son entreprise de publication des œuvres du philosophe qui, suite à ce don, se trouve être nourrie de matériaux ayant servi à l’élaboration d’œuvres majeures mais restés inconnus jusque-là.
Le programme des trois journées d’activités autour de la célébration des trente ans d’existence de la Société Montesquieu a été établi en concertation avec l’Académie. L’occasion a été saisie de rendre hommage à deux membres fondateurs de la Société Montesquieu qui nous ont quittés : Louis Desgraves – évoqué ci-dessus – et Pierre Rétat [7], membre fondateur de la Société Montesquieu, membre du Comité de direction et membre du conseil scientifique de cette même société et, à partir de 2004, co-directeur avec Catherine Volpilhac-Auger des Œuvres complètes. Il dirigea tout particulièrement la publication des deux tomes des Œuvres et écrits divers [8]., puis celle de la Défense de l’Esprit des lois [9] et enfin prit une part très active dans l’élaboration de l’édition du volume des Extraits et notes de lecture [10].
Le 26 septembre, les manifestations ont débuté par une promenade dans Bordeaux, essentiellement destinée à faire découvrir aux non Bordelais des emplacements fréquentés par Montesquieu lorsqu’il résidait à Bordeaux. Nous sommes partis du quartier Saint-Seurin où le philosophe fut à partir de 1725 fréquemment accueilli par son frère, Charles Louis Joseph de Secondat, doyen de Saint-Seurin. Nous avons déambulé dans le centre-ville aménagé par Tourny au XVIIIe siècle, rappelant le rôle important que Montesquieu a joué dans les négociations conflictuelles entre l’Intendant et l’Académie, dont les bâtiments furent frappés par le réaménagement complet du quartier [11]. Nous avons poursuivi le trajet jusqu’ à l’hôtel des sociétés savantes, place Bardineau, siège actuel de l’Académie, pour entendre la conférence publique donnée par le professeur Jean-Pierre Poussou, membre résidant de l’Académie, sur le thème : « Montesquieu, le Brulhois et l’Agenais » [12].
Le programme du lendemain, vendredi 27 septembre, était divisé en deux temps. Le directeur de la bibliothèque municipale de Bordeaux, Nicolas Galeau, assisté du conservateur des fonds patrimoniaux, Matthieu Gerbault, nous a accueillis pour une présentation de l’ensemble documentaire Montesquieu, offrant aux participants la possibilité de consulter quelques spécimens sélectionnés en concertation avec Catherine Volpilhac-Auger. L‘après-midi, nous avons été reçus au Château Haut-Brion pour une visite des lieux et de la bibliothèque en cours de reconstitution par des achats divers d’ouvrages du XVIe siècle à nos jours sur la vigne et le vin. Le samedi 28 était réservé à la visite du Château de La Brède et de son parc, aujourd’hui siège de la Fondation Jacqueline de Chabannes.
Ces trois jours ont permis la rencontre de membres de la Société Montesquieu venus des USA, du Brésil, d’Italie, de Paris et de Lyon avec les consœurs et confrères de l’académie de Bordeaux et le public. En s’associant à cet anniversaire, l’Académie joua à nouveau le rôle de « centre de culture international » que lui attribuait Pierre Barrière en 1951.