Œuvres et écrits divers I, Introduction Première publication : Œuvres complètes de Montesquieu, t. VIII (Œuvres et écrits divers I), Oxford, Voltaire Foundation, 2006, p. XVII-XXXIV

, par Volpilhac-Auger, Catherine

Pierre Rétat, sous le signe de Montesquieu

Œuvres et écrits divers

Introduction

Au seuil d’« œuvres diverses », il faut se poser une question apparemment simple : que signifie dans des Œuvres complètes une section ainsi intitulée, à quoi sert-elle, quelle fonction remplit-elle ?

Sa présence dépend d’un choix de l’éditeur. Un principe strictement chronologique, même si la mise en pratique en est aléatoire et hérissée de difficultés, l’exclut : c’est le cas de « L’Intégrale » parue aux éditions du Seuil en 1964, et l’« ordre mixte » qu’a adopté Roger Caillois dans la « Bibliothèque de la Pléiade » en 1949, qui associe la suite chronologique et le regroupement autour de catégories ou de grandes œuvres, lui a permis de s’en passer. Inversement, lorsqu’une œuvre dominante ou les principales œuvres d’un auteur occupent une place prioritaire et imposent un ordre préférentiel, une section tenant lieu de réceptacle s’impose si l’on veut unir sous une rubrique commune la diversité et la disparate d’œuvres préparatoires ou secondaires, généralement brèves, parfois inachevées, restées à l’état d’ébauche, ou d’écrits qui n’étaient nullement destinés à la publication.

On constate, dans ce dernier cas, une sorte d’évidence éditoriale des « œuvres diverses » : elles s’imposent de façon si naturelle et si indiscutable qu’on ne songe ni à en examiner l’existence ni à en justifier l’usage. Laboulaye écrit sereinement dans la préface du tome VII de son édition : « Ce volume contient les Œuvres diverses de Montesquieu », et Xavier Védère, en tête du tome III de l’édition Masson : « Les mélanges qui vont suivre sont les œuvres diverses de Montesquieu. Œuvres combien variées [...] [1]. »

Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil sur les éditions où apparaît cette rubrique pour constater que la pratique éditoriale a évolué, et que les variations de conception et de contenu rendent nécessaire un examen historique et critique de la catégorie elle-même.

Métamorphoses des « œuvres diverses » depuis le XVIIIe siècle

Les Œuvres diverses apparaissent pour la première fois dans les Œuvres complètes de Montesquieu éditées en 1816 chez Lefèvre (t. VI et dernier) ; on les retrouve dans l’édition de 1818 chez le même libraire, dans les Œuvres de l’édition Lequien, 1819 (t. VII), dans l’édition Touquet, sous le titre de Pièces diverses (deux volumes in-douze, 1821), dans celles de l’édition Féret-Dalibon de 1827 (t. VI), dans les Œuvres complètes « chez Mme Dabo-Butschert » de 1828 (t. V-VI), dans celles publiées par Ravenel, chez de Bure en 1834 (un volume in-quarto), par L. Thiessé chez Pourrat en 1834 et 1838 (in-octavo), par Louis Parrelle chez Didot en 1838 (un volume in-quarto), dans l’édition de 1839 chez Lefèvre (t. II). Cette enquête n’est pas exhaustive, mais les résultats en sont clairs : la seule exception, dans ces années d’intense édition, ce sont les Œuvres éditées par Parrelle chez Lefèvre en 1826, mais si la rubrique n’y est pas, le contenu, au tome VIII, est identique à celui des « œuvres diverses » des éditions contemporaines. Il en sera de même dans l’édition Lahure chez Hachette en 1856 (et dans celles des années suivantes), et dans celle de Laboulaye, dont la préface du tome VII (1879) annonce ce contenu bien que le titre n’y soit pas.

Alors qu’on ne connaissait auparavant que des Œuvres posthumes (1783 et Plassan, 1798) ou des Œuvres mêlées et posthumes (Didot, 1807) [2], on voit paraître aussi à partir de la Restauration des éditions séparées portant le titre d’Œuvres diverses : en 1820 chez Menard et Desenne fils (deux volumes in-18), en 1834 chez Hiard (deux volumes in-douze). Un cas assez curieux est celui que présentent les Lettres persanes par Montesquieu suivies de ses œuvres diverses, chez Didot l’aîné, 1820, en trois volumes in-octavo, le dernier portant logiquement le titre Œuvres diverses de Montesquieu précédées des Lettres persanes.

Comment interpréter ce phénomène éditorial ? Il paraît manifestement concomitant d’un autre, qui le dépasse et l’englobe, l’émergence des « œuvres complètes ». Se fixant pour limite la fin du xviiie siècle, Jean Sgard a analysé leur progressive apparition à partir de 1770 ; succédant aux Collections complètes, « elles connaissent entre 1775 et 1800 une très grande faveur », des exemples éclatants étant ceux de l’édition de Voltaire par Beaumarchais et de l’édition de Condillac en 1798 [3]. Dans une étude consacrée aux œuvres de Montesquieu, Jean Ehrard confirme cette évolution générale : sans doute, alors que les dix plus modernes éditions « se targuent unanimement d’être complètes », seule au XVIIIe siècle celle de l’an III donnée chez Pierre Didot l’aîné par La Roche prétend à cette qualité, si l’on excepte quelques rares traductions ou éditions étrangères, la plus connue étant celle de 1799 chez Decker à Bâle. « Un seuil a été franchi en 1795. Parce qu’il appartient désormais au patrimoine politique national et à celui de l’humanité, Montesquieu ne pourra plus se contenter longtemps de simples Œuvres [4] », même si elles continuent de voisiner, jusqu’à la fin des années 1820, avec les Œuvres complètes.

L’édition Lefèvre d’Œuvres complètes en 1816 marque pourtant en elle-même une étape importante. Elle paraît au moment où Villemain, dans l’Éloge couronné par l’Académie française le 25 août, célèbre en Montesquieu le « sage » qui, au sortir des révolutions et des guerres, peut le mieux garantir la « liberté sociale » et la réconciliation des peuples [5]. J.-B. Suard, alors secrétaire perpétuel de l’Académie, considère que la séance où cet éloge a été prononcé marque « une époque mémorable dans l’histoire littéraire », non seulement par l’heureuse idée de substituer l’éloge des grands hommes aux lieux communs de morale, mais surtout par la sanction que Montesquieu s’y est trouvé apporter à la Charte : « Si l’ombre du grand publiciste qui a répandu la lumière sur les principes des monarchies constitutionnelles pouvait assister au triomphe que nous lui décernons, elle appuierait de son autorité les sentiments que j’ose exprimer. L’éloge de Montesquieu ne pouvait jamais être prononcé dans des circonstances plus favorables [6]. »

L’édition de 1816 est donc un symbole politique. Mais les historiens du livre estiment aussi qu’elle est à l’origine de ce que l’un d’eux a appelé la « librairie des œuvres complètes », qui occupe une part importante dans l’expansion régulière de la production de 1815 à 1826 [7]. Or il semble évident que c’est dans l’extraordinaire poussée éditoriale lancée par la Restauration que les nouvelles Œuvres complètes de Montesquieu produisent leur sous-catégorie « œuvres diverses » au sens où nous les entendons et les pratiquons. Une étude plus générale de ce phénomène éditorial confirmerait cette concomitance, et l’importance de la Restauration dans la création ou la fixation des grandes catégories modernes de l’édition [8].

Il faut d’autant plus insister sur ce tournant historique qu’il affecte le sens même du syntagme « œuvres diverses ». Ce dernier, dans son sens ancien et classique, désigne les œuvres dans leur diversité, sans autre considération, mais en n’exceptant nullement l’hypothèse d’une totalité. N’en retenons que deux preuves, dont la première nous est donnée par le titre complet des Œuvres diverses de Bayle, parues à La Haye de 1727 à 1731 en quatre volumes in-folio, « contenant tout ce que cet auteur a publié sur des matières de Théologie, de Philosophie, de Critique, d’Histoire et de Littérature ; excepté son Dictionnaire historique et critique ». Pourrions-nous assortir les Œuvres diverses de Montesquieu d’un « excepté L’Esprit des lois » et autres œuvres majeures ? Écoutons aussi Fontenelle, dans la préface de la belle édition de ses Œuvres diverses illustrée par Bernard Picart, parue à La Haye en 1728-1729, en trois volumes in-folio :

En faisant un Recueil de mes différens Ouvrages, j’avois beaucoup d’inclination à y faire des retranchemens considérables […] Il me semble en effet que ceux qui rassemblent leurs Ouvrages dans un tems où ils ne comptent plus guère d’en donner de nouveaux, en devroient faire un choix, pour ne laisser à la Postérité, s’ils osent porter leurs vûes si loin, que ce qui est le plus digne d’elle, et le plus propre à décorer leur nom […] Je n’ai pourtant pas exécuté mes courageux desseins, je n’en ai pas été le Maître. Cette Edition n’est que pour l’intérêt du libraire, et nullement pour le mien […] Cette Edition n’est donc peut-être que trop complette. J’avouë que j’y ai fait entrer volontairement quelques pièces nouvelles, que je n’ai pas jugées indignes du jour. On a ramassé aussi de moi quelques petits morceaux que j’eusse négligés, ne fût-ce qu’à cause de leur peu d’étenduë, car ce soin de rassembler tout si exactement me paroît un peu petit, quoique fort naturel ; mais le grand objet a été de faire une Edition différente de toutes les autres. J’eusse pû cependant la grossir encore davantage, mais je n’ai pas laissé de donner quelques bornes à l’amour paternel, et à ma condescendance pour les intérêts du Libraire [9].

Peut-on plus subtilement vanter l’intérêt d’une édition d’œuvres très complètes, en en laissant espérer une plus complète encore ? Jouer avec des circonvolutions plus souples des sentiments convenus de l’auteur, orgueil, amour-propre, complaisance, des principes classiques d’un choix sévère et de l’obligation de tout livrer au public ? Mais ce texte nous permet en même temps de mieux comprendre une catégorie archaïque. Jean Sgard, dans l’étude citée plus haut, part des œuvres diverses ou mêlées dans leur sens classique, et les définit comme « des ensembles provisoires […] à un moment où l’œuvre totale est encore en cours d’élaboration : ce sont des œuvres occasionnellement réunies [10] ».

Il faudrait sans aucun doute préciser les étapes d’une mutation qui n’a pas été brusque (elle passe par les œuvres mêlées, posthumes), et estomper les traits dont nous l’avons hâtivement dessinée. En tout cas la catégorie des œuvres diverses, telle qu’elle se fixe au début du XIXe siècle, informe encore la pratique moderne de l’édition. On observe il est vrai une tendance à son effacement, au profit d’un ordre chronologique [11]. Toutefois, lorsqu’une œuvre monumentale et organique renvoie sur ses marges toutes les autres, réduites à un statut préparatoire et accessoire, et admises à l’édition ou à la réédition par la seule grâce de la première, les « œuvres diverses » restent un refuge naturel et nécessaire : il en va ainsi pour Balzac, dont les éditions récentes leur font place à la suite de la Comédie humaine. Si Jean Ehrard et l’équipe éditoriale de la présente édition ont adopté la même attitude, n’est-ce pas, outre des considérations de distribution des matières entre les volumes, parce qu’ils ont eux aussi donné aux Lettres persanes, aux Considérations, à L’Esprit des lois le caractère éminent d’œuvres : mais les « œuvres diverses », réceptacle du multiple, du disparate, du non-classable, sont peut-être aussi ce qui désigne et respecte le mieux l’irréductible diversité de la production d’un auteur.

La constitution des « œuvres diverses » de Montesquieu

Les Œuvres diverses sont donc apparues à un moment de l’histoire éditoriale des œuvres de Montesquieu. L’évolution complexe qu’elles ont connue depuis lors s’est faite au gré des publications posthumes successives, du changement de statut de certaines œuvres, des associations qui les unissaient entre elles, de la décision plus ou moins arbitraire des éditeurs.

Si l’on veut être concis et clair, il est difficile de rendre compte du détail des textes compris dans la section Œuvres diverses, de leur inclusion, de leur redistribution ou de leur retrait. La présentation des différentes œuvres permettra de compléter des vues nécessairement sommaires. La bibliographie des œuvres originales de Montesquieu, établie par R. Shackleton, à la fin de sa biographie critique, est toujours un guide indispensable et sûr. C. Courtney l’a complétée et mise à jour pour la présente édition.

L’histoire des « œuvres posthumes » de Montesquieu commence vraiment par l’édition en 1783, sous ce titre, par son fils Jean-Baptiste, de quelques textes déjà publiés [12], et surtout d’Arsace et Isménie, premier manuscrit important livré au public. En dehors de révélations mineures ou minimes, deux grands épisodes éditoriaux scandent cette histoire : l’édition Plassan des Œuvres en l’an IV (1796), et la série des publications réalisées par la famille de Montesquieu et la Société des bibliophiles de Guyenne de 1891 à 1914 [13].

La première mettait au jour d’un coup les discours et mémoires académiques, elle ajoutait quelques pièces aux Lettres familières publiées d’abord en 1767 et intégrées à l’édition in-quarto des Œuvres la même année, les Pensées diverses, publiées en 1787 puis 1790, enfin quelques poésies nouvelles : « Tel est le fruit de nos recherches depuis deux ans dans les bibliothèques et chez les amis de Montesquieu », lit-on dans l’avertissement des éditeurs au début du tome I. Plassan restait bien en deçà de ses ambitions [14], mais la moisson des mémoires académiques était l’heureux résultat, en ce qui concerne Montesquieu, du projet de publication par l’académie de Bordeaux d’une collection des meilleurs mémoires de ses membres, auquel un « Comité académique » avait travaillé de 1778 à 1785 [15]. Les contemporains eurent le sentiment d’une découverte : le journaliste du Magasin encyclopédique écrit en 1797 que Montesquieu était connu comme « littérateur agréable » et comme « politique profond », mais que l’on « ne savoit pas qu’il était aussi naturaliste, physicien, anatomiste [16] ». Les éditeurs affirmaient donc avec raison, dans le même avertissement : « Notre édition aura l’avantage d’être la seule complète des œuvres de ce grand homme, sans excepter aucun format », et l’on peut dire qu’elle fixe pour presque un siècle le contenu des « œuvres diverses », à partir du moment où cette rubrique s’impose [17].

Le second épisode, beaucoup plus important, est la « Collection bordelaise des inédits de Montesquieu », selon les termes de la liste qu’en établit la Correspondance qui clôt la série en 1914 [18]. Une masse impressionnante de textes accède ainsi à la publication. Raymond Céleste, conservateur de la bibliothèque de Bordeaux, Reinhold Dezeimeris, Henri Barckhausen, François Gébelin ont laissé leur nom attaché à cette entreprise qui a modifié profondément la physionomie générale de l’œuvre de Montesquieu, et en particulier des « œuvres diverses [19] ». Les éditions d’Œuvres complètes ont depuis lors intégré ces richesses nouvelles, celle de Roger Caillois y ajoutant des fragments de l’Historia romana, et celle d’André Masson, pour s’en tenir aux œuvres diverses, des versions plus étendues d’Arsace et Isménie et du madrigal Pour madame Lefranc, et les résomptions académiques.

La dation des manuscrits de La Brède par Madame la comtesse de Chabannes en 1993-1994 a permis de les réunir tous à la bibliothèque municipale de Bordeaux. Louis Desgraves en a publié l’inventaire [20]. Nous ferons plus loin, à propos des caractéristiques de la présente édition, l’état des quelques textes que ce nouveau progrès a permis d’y adjoindre.

En quoi les additions successives de textes ont-elles modifié l’économie des « œuvres diverses » depuis qu’elles existent, de quoi ces dernières se composent­elles dans les différentes éditions d’Œuvres complètes ou d’Œuvres ?

Les variations très sensibles à cet égard s’expliquent surtout par le changement de statut de certaines œuvres à travers le temps. Considérons le contenu des Œuvres diverses dans l’édition Lefèvre de 1816 : Arsace et Isménie, Le Temple de Gnide, Invocation aux muses, Poésies, Dialogue de Sylla et d’Eucrate, Lysimaque, Essai sur le goût, Discours académiques, Ébauche de l’éloge de Berwick, Lettres familières, Pensées diverses ; s’y ajoutent en 1818 les Notes sur l’Angleterre. Ce corpus reste à peu près stable jusqu’à l’édition Laboulaye comprise [21]. On mesure facilement l’ampleur de la mutation opérée par les publications des Bibliophiles de Guyenne et par l’édition Masson. Elles ont en effet exclu plusieurs œuvres du corpus en les faisant accéder, par le volume même qu’elles acquéraient, à l’indépendance. Ainsi disparaissent les Lettres familières et les Pensées diverses, qui formaient jusqu’alors une part très importante des Œuvres diverses.

La dissociation d’œuvres antérieurement réunies par les éditeurs constitue un autre principe de variation. Les « œuvres diverses » se sont en partie créées de cette manière. Dans l’édition in-quarto de 1758 et jusque dans l’édition Gueffier­Langlois de 1796, Lysimaque accompagne L’Esprit des lois, le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, les Romains, le Temple de Gnide, les Lettres persanes ou les Romains ; dans les Œuvres complètes publiées par de Bure en 1834, Le Temple de Gnide suit encore les Lettres persanes, mais toutes ces œuvres figurent généralement depuis 1816 dans les Œuvres diverses. Lorsque la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion paraît dans l’édition Plassan, l’éditeur l’adjoint aux Romains et justifie par « l’ordre des matières » cette exception à l’ordre chronologique des discours académiques [22] ; tous les éditeurs jusqu’à Laboulaye compris imitent cet exemple. Le Dialogue de Sylla et d’Eucrate ne trouve pas facilement sa place : Laboulaye rappelle que depuis l’édition de 1748 où il suit les Romains « on ne les a plus séparés[Tome II, p. 329.]] », ce qui est exact, si l’on excepte cependant les Œuvres complètes de 1816, 1818 et 1834 [23]. Cette pratique hésitante révèle l’inévitable arbitraire de choix éditoriaux, visible en tant d’autres circonstances. L’édition Masson est à cet égard tout à fait paradoxale : en reproduisant dans son premier tome l’édition de 1758, elle restaure une situation antérieure à l’apparition des « œuvres diverses », et exclut ainsi de cette section, dans son tome III, le Discours de réception à l’Académie française [24], Lysimaque, le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, Le Temple de Gnide, l’Essai sur le goût [25]. Les Œuvres diverses deviennent ainsi, comme l’entendait André Masson, des Œuvres posthumes.

Un texte nouvellement publié peut exercer à son tour une attraction thématique dont l’éditeur tiendra plus ou moins compte. André Masson considère que Barckhausen a adjoint « assez artificiellement » aux Voyages les Mémoires sur les mines, De la manière gothique et les Souvenirs de la cour de Stanislas Leczinski [26]. Il les verse donc dans les Œuvres diverses. Sauf pour le premier de ces textes, nous prenons un parti différent, sans être sûr qu’il soit meilleur.

On s’interrogera enfin sur l’usage de l’« appendice », destiné à recueillir les textes jugés d’une marginalité extrême, ultimes résidus des tris successifs. Roger Caillois y place par scrupule un discours au parlement de Bordeaux qu’il juge, et avec raison, n’être pas de Montesquieu, des extraits de l’Historia romana, simple « exercice d’écolier », et des œuvres indignes du Président, le Voyage à Paphos et les poésies. Le critère de l’édition Masson est différent : le Mémoire de ma vie, l’État des affaires de Montesquieu en 1725, la Requête contre l’arrêt de 1749, le Testament sont des documents de la main de Montesquieu ou signés par lui, mais il leur manque la qualité d’« œuvres [27] ». Mais que dire alors des résomptions académiques qui figurent pourtant dans les Œuvres diverses de cette édition ? N’y a-t-il pas aussi quelque arbitraire à y introduire le Mémoire contre l’arrêt du Conseil du 27 février 1725 (1727), d’abord publié dans les Mélanges de 1892, et la Requête au roi contre l’arrêt du 26 juillet qui approuvait les projets de Tourny (1749), alors que sont conservés dans la série C des archives départementales de la Gironde et à la bibliothèque municipale de Bordeaux [28] un grand nombre d’autres mémoires de Montesquieu concernant ses procès ? Il serait pourtant absurde d’encombrer les Œuvres d’obscures et interminables procédures, et les deux textes retenus dans l’édition Masson nous paraissent avoir un caractère exemplaire qui en justifie totalement le choix. Nous le faisons donc nôtre.

La détermination des limites entre les différents types de textes est sujette ici à tant de difficultés qu’il vaut mieux couper court et refuser d’en fixer : ce que permet le titre retenu sur la suggestion de Jean Ehrard, Œuvres et écrits divers.

Les lacunes des « œuvres diverses » : les manuscrits « perdus »

Selon Jean Ehrard, le titre Œuvres complètes que La Roche donne à l’édition de l’an III doit se lire « moins comme une promesse que comme un appel [29] ». Le désir d’atteindre une totalité et, en particulier pour les œuvres diverses, d’accumuler les pièces nouvelles, anime sans doute les éditeurs depuis la fin du XVIIIe siècle, mais trouve rarement l’occasion de se satisfaire. L’avertissement du premier tome de l’édition Plassan dresse avec fierté la liste des vingt morceaux qu’elle ajoute aux Œuvres. L’édition Lefèvre de 1818 fait valoir la publication des Notes sur l’Angleterre et d’une lettre supplémentaire. Celle de 1834 ajoute encore des lettres et des « fragments inédits » (« Tibère et Louis XI » et deux autres plus courts) parus peu de temps auparavant dans La Gironde [30].

L’éditeur, dans sa quête, se prend parfois à rêver aux trésors dont il soupçonne l’existence et dont il se sent injustement frustré. Laboulaye fait l’inventaire de tout ce dont regorge La Brède, et laisse éclater sa colère contre des descendants avares ou insouciants :

On assure qu’à La Brède les héritiers de Montesquieu possèdent, parmi ses papiers, un manuscrit en trois volumes in-4° contenant les réflexions du président sur ses lectures journalières. Que de choses nouvelles, que de jugements ingénieux, un éditeur ne pourrait-il pas tirer de ce recueil ! et qu’il est fâcheux que les descendants de ce grand ancêtre n’aient pas un culte plus fervent pour celui à qui ils doivent toute la gloire de leur nom.

Il y a encore à La Brède, nous dit-on, des œuvres de la jeunesse de Montesquieu, notamment un conte […] mais il y a aussi, parmi les trésors de La Brède, les Notes de voyage […] ; il y a enfin une correspondance avec son aimable fille Denise […]. On nous promet depuis longtemps la communication de ces richesses ; qu’on veuille bien se presser un peu : Montesquieu appartient à la France, et tous ceux qui vivent de sa pensée ont quelque droit de réclamer l’ouverture de sa succession [31].

Mais inversement quel bonheur de faire, à La Brède, dans la bibliothèque même de Montesquieu, des découvertes quasi miraculeuses ! André Masson évoquait en 1950 ce lieu magique où, « malgré la dispersion de la majeure partie des collections en 1939, MM. Shackleton, Desgraves et Védère ont eu la joie de retrouver plusieurs manuscrits signalés par Barckhausen et considérés depuis comme perdus, et de découvrir quelques documents nouveaux [32] ».

Dans quelle situation sommes-nous nous-mêmes ? Nous avons vu reparaître la plupart des manuscrits dispersés en 1939, et qui sont maintenant pour le plus grand nombre à la bibliothèque municipale de Bordeaux ou à la Bibliothèque nationale de France. Tout ce qui restait à La Brède, par la dation qui en a été faite, est maintenant à Bordeaux. Ainsi se trouve close la longue aventure des manuscrits de Montesquieu, qu’ont relatée de savants connaisseurs, de Raymond Céleste à Louis Desgraves [33]. Nous n’avons plus de rancœur à nourrir ni de surprises à attendre : nous mettons en ordre un trésor fini et répertorié.

Qu’en est-il alors des œuvres « perdues », « détruites », dont Xavier Védère a dressé la liste assez longue en tête du tome III de l’édition Masson ? Le déficit ainsi constaté est impressionnant : une dizaine de mémoires académiques ou relatifs à l’académie de Bordeaux, une Cyropédie ou monarchie d’Espagne mentionnée dans le Catalogue des manuscrits envoyés en Angleterre de 1818, une Histoire de Louis XI malencontreusement jetée au feu, enfin ces « œuvres diverses » dont « les Pensées nous ont conservé à la fois le titre et des fragments », et dont « il ne reste aucun autre manuscrit », soit douze titres. Dans sa bibliographie des œuvres originales de Montesquieu, Robert Shackleton fait figurer ces œuvres en moindre nombre, mais il ajoute un Voyage en Angleterre et un Traité de Westphalie tirés du catalogue de 1818 [34].

Si rien ne nous permet de douter de la réalité des discours et de dissertations académiques disparus lorsqu’elle est attestée de façon sûre [35], ni des titres mentionnés dans le catalogue de 1818 (encore faudrait-il savoir ce que contenaient les « cahiers » dont il y est question), les « œuvres » dont on croit trouver le témoignage subsistant dans les Pensées sont pour beaucoup d’entre elles d’une autre nature. Robert Shackleton a très bien caractérisé ces textes, « suggestions d’œuvres possibles », projets abandonnés [36]. Mais il les fait entrer dans sa bibliographie des œuvres de Montesquieu, en indiquant : « ms perdu, non publié ». Le texte des Pensées permet pourtant de répartir ces œuvres entre plusieurs catégories. Celles d’abord dont Montesquieu dit qu’il les a détruites et n’en a gardé que quelques matériaux (Britomare, Les Prêtres du paganisme, Dissertation sur les dieux animaux, ou encore, plus vaguement, ces « écrits faits dans ma jeunesse, et que j’ai déchirés », d’où il tire des réflexions contre Bayle [37]). Celles ensuite qu’il évoque comme des projets (l’Histoire de France, ou le Traité des devoirs, considéré en d’autres occasions comme une œuvre en partie réalisée [38]). Celles enfin dont l’énoncé de Montesquieu suppose l’existence au moment où il écrit (Pensées morales, Dialogues, Histoire de la jalousie devenue Réflexions sur la jalousie, Lettres de Kanti, La Liberté politique [39]) : c’est avec les mêmes termes qu’il désigne les « morceaux qui n’ont pu entrer » dans les Romains, dans son discours de réception à l’Académie française ou sa harangue devant la famille royale en 1739. Mais ces « ouvrages » dont toute l’existence tient à un excédent ainsi conservé forment un objet étrange et paradoxal. Ce mode d’être purement indirect interdit de les inventorier sur le même pied que les autres œuvres. La seule solution logique est de les laisser totalement aux Pensées, dont ces vestiges sont une partie intégrante, et ne peuvent être interprétés que dans l’économie textuelle de ce recueil.

Il fonctionne en effet comme un centre de stockage et de recyclage, d’où les textes partent, où ils reviennent, mis provisoirement au rebut et en attente de destination : « centre de transit », comme l’écrit Catherine Volpilhac-Auger, qui a fait des « œuvres » mentionnées dans les Pensées une analyse pénétrante [40]. Des fragments d’« œuvre » se donnent effectivement comme fragments d’un ensemble, selon le code qui régirait cet ensemble, mais il serait au moins aventureux de croire que cet ensemble ait jamais existé [41]. Les pensées en question, comme d’autres, prennent une forme immédiatement régie par le code de la communication littéraire (dialogue, conte, lettres, portrait, maxime, dissertation) ; telle préface pour une histoire des jésuites n’est manifestement que la préface fictive d’un ouvrage fictif [42]. Nos Œuvres diverses trouvent donc dans les Pensées, laboratoire d’œuvres possibles, un prolongement problématique, aux frontières et au statut indécis : complication et redoublement des problèmes que leur « diversité » pose à celui qui essaie de la comprendre.

D’autres frontières plus indécises encore, mais au fond plus faciles à tracer, partagent les œuvres sûres et celles que des témoignages externes incertains ou suspects, des attributions aventureuses prêtent à Montesquieu. Xavier Védère a raison de traiter avec la plus grande prudence et un scepticisme avoué toutes ces notes, anecdotes et confidences sur des manuscrits perdus ou brûlés [43]. Personne apparemment n’a fait une confiance suffisante à la note de François-Louis Jamet dans un exemplaire de la Bibliothèque nationale pour intégrer aux œuvres diverses Les Netturales ou la Licéride [44]. La tentative d’Élisabeth Carayol pour donner à Montesquieu la paternité d’un Démocrite français, paru dans un petit journal hollandais en 1745, semble n’avoir convaincu personne, ce qui est fort heureux pour Montesquieu [45]. On n’alourdira pas non plus son œuvre d’une « lettre persane » parue en 1742 dans les Étrennes de la Saint-Jean, même si son nom a été associé à cette plaisanterie de salon [46].

Idéologie des « œuvres diverses »

La collecte patiente, passionnée, imaginative des œuvres est admirable. Elle relève du culte des reliques littéraires. À la fin du XVIIIe siècle, au moment où l’on commence à le pratiquer en inventant les « œuvres complètes », l’idée classique que seuls méritent d’être publiés des morceaux achevés, dignes à la fois de l’auteur et des lecteurs, inspire encore des attitudes devenues ensuite peu compréhensibles. André Masson juge « timoré » François Latapie, que le fils de Montesquieu avait consulté sur la publication d’œuvres posthumes, et qui répond avec beaucoup de finesse et de bon sens :

Je serois très heureux, Monsieur, si je pouvois vous être de quelque secours dans le choix que vous vous proposez de faire des manuscrits de Monsieur votre Père, les plus dignes de fixer l’attention du public […] Il eût été délicieux pour moi de parcourir avec vous jusqu’aux productions les plus informes de ce grand génie, qui vous a donné le jour. J’aurois cru être avec lui, l’entendre parler, et j’aime tout ce qui le rappelle à mon imagination. Mais ce plaisir même m’eût inspiré beaucoup de méfiance de mes jugements : tout ce qui intéresse des amis n’intéresse pas également le public, toujours très sévère sur ce qu’on lui présente d’un homme célèbre, parce qu’il le juge d’après lui­même, d’après le point de perfection où il a porté ses premiers ouvrages. J’en ai vu un exemple frappant dans l’effet qu’a produit à Paris et à Londres le recueil de quelques lettres de M. de Montesquieu, publié par l’abbé de Guasco. Quoiqu’on n’ait pu douter que celui qui les avoit écrites ne fût à mille lieues de croire qu’elles seroient publiées, on a voulu absolument y trouver l’auteur des Lettres persanes, et, si quelqu’éditeur s’avisoit de faire imprimer jusqu’à son livre de recette et de dépense, on se figureroit que l’auteur de L’Esprit des lois a dû le composer autrement qu’un autre. Aussi suis-je très persuadé, Monsieur, que vous serez très difficile dans le choix des œuvres posthumes de M. votre Père, parce que, sa réputation étant parvenue à son comble, ce sera faire beaucoup de la soutenir [47].

Ce texte méritait une longue citation, car il témoigne d’une culture littéraire qui allait disparaître. L’évidence allait s’imposer que tout devait être recueilli d’un écrivain pour qu’on ait quelque chance de le comprendre. Le moindre fragment concourt à la totalité de l’« œuvre » et au sens qu’elle revêt. À partir du moment où les « œuvres diverses » font leur apparition dans l’édition, elles sont conçues, avec d’autres œuvres relativement mineures, comme une partie cohérente d’une carrière, d’un système, d’un « génie ». Elles entrent dans une interprétation finaliste, et réductrice de leur diversité, implicitement dépassée ou niée.

Villemain, dans son Éloge de Montesquieu de 1816, associe en lui, comme en tout « homme supérieur », l’unité et la diversité, sous les auspices du « génie » : « Le fond de ce génie, c’est toujours l’originalité, attribut simple et unique sous des formes quelquefois très variées ; mais un homme supérieur se livre à des impressions ou à des études diverses qui lui donnent autant de caractères nouveaux [48] ». Le génie laisse sa trace et se perçoit dans tout ce qu’il nous lègue. On le disait déjà avec quelque réserve à la fin des années 1770 lorsqu’on réunissait à l’académie de Bordeaux les manuscrits des discours de Montesquieu : « Quoique plusieurs de ces Pièces puissent ne point paroître d’une certaine importance, le nom seul de cet homme immortel semble devoir y attacher une sorte de respect. On ne peut d’ailleurs s’empêcher d’y reconnoître assès généralement cette touche originale, cette vivacité de style, dont tous ses ouvrages portent l’empreinte [49]. »

Dans le tome III de l’édition Masson, Xavier Védère est beaucoup plus catégorique : il regrette qu’on ait négligé tant d’œuvres aujourd’hui perdues « à une époque où l’on n’était pas, comme de nos jours, avide de recueillir les moindres étincelles du génie, qui brillent aussi bien dans une courte phrase que dans un long ouvrage […] On trouvera peut-être excessif le soin que nous avons apporté à recueillir les moindres parcelles de la pensée de Montesquieu […] Le monument n’eût pas été complet si nous avions négligé les plus petites pierres qui en parachèvent la forme [50] ».

Tout publier de ce qu’a laissé le génie, c’est à la fois le rendre plus proche, l’humaniser, et faire mieux comprendre la lente élaboration qui lui a permis de s’épanouir.

L’éditeur des Lettres familières, en 1767, prie d’excuser « certaines négligences » inévitables de l’épistolier : « Il n’est peut-être pas indifférent à l’histoire de l’Esprit humain, de connaître les différentes nuances que présentent même les génies ; et il est utile de voir ceux-ci, ainsi que les héros, dans leur façon et manière d’être familière [51] ». Dans la lettre citée plus haut, Latapie attendait des « productions les plus informes » l’illusion d’« être avec » Montesquieu, de « l’entendre parler » : il donnait ainsi un tour personnel à un lieu commun éprouvé, qui oppose l’« auteur » à l’« homme ». Émile Henriot découvre avec bonheur les Pensées, le Spicilège, les Voyages : « On croyait ne lire qu’un auteur, et on trouve un homme, l’homme Montesquieu, descendu de son socle, sorti de sa chaire [52] ». Laboulaye donne moins clairement dans la convention, mais s’en approche dans un énoncé curieusement contradictoire. Dans la préface du tome VII contenant les œuvres diverses, et à propos des Pensées diverses qui en faisaient alors partie, il regrette qu’on « ne leur rende pas assez justice » : les grandes œuvres « ont jeté dans l’ombre ces ébauches ; mais nous vivons en un temps où, par un amour outré de la simplicité, on préfère le premier jet de l’artiste au tableau le plus achevé. À ce titre, les Pensées et les Lettres de Montesquieu se recommandent au lecteur et sont de nature à éveiller un intérêt nouveau pour l’écrivain [53] ».

Nous percevons ici, sous un autre jour, le lien profond qui unit les Œuvres diverses à l’émergence des Œuvres complètes. Analysant ce dernier phénomène à partir des années 1770, dans l’étude déjà citée plus haut, Jean Sgard y voit s’imposer un point de vue nouveau, celui de l’auteur, une conception nouvelle de l’« œuvre », dont l’unité et la cohérence représentent « dans sa totalité l’homme, son âme, son histoire, le geste de sa création [54] ».

L’homme va de pair avec l’unité de l’œuvre. Les « œuvres diverses » ne permettent pas seulement de saisir le génie dans le geste spontané du négligé, du fragment, de l’ébauche, elles en font suivre la marche d’abord indécise. Car il ne s’accomplit pas d’un coup. Il est déjà là, mais se prépare et se mûrit. Les « œuvres diverses » prennent alors la place éminente mais secondaire qui leur revient : elles annoncent l’œuvre majeure, elles la font attendre ou la complètent. L’édition Plassan vante l’intérêt des discours académiques, et en particulier de la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion et du Projet d’une histoire physique de la Terre : « Ce sont des matériaux destinés à l’immortalité, quoiqu’imparfaits. Sur ces pierres d’attente nous avons cru voir gravés ces mots : Nous appartenons à la postérité. Nous les lui devions […] On aime à voir Montesquieu, dès l’âge de vingt-cinq ans, à la hauteur des lumières de son siècle, former le plan d’un ouvrage immense […] C’est un spectacle bien intéressant que le tableau des progrès de l’esprit d’un grand homme [55]. »

Ce qui se lit dans ces œuvres mineures, c’est un trajet, dont la destination et le terme sont L’Esprit des lois ; le chef-d’œuvre est la fin et la mesure de tout ce qui le précède. D’Alembert, dans l’Éloge de Montesquieu paru d’abord en tête du tome V de l’Encyclopédie, et destiné à devenir pour plus d’un siècle un des textes d’accompagnement inséparables des Œuvres, voyait déjà cette finalité providentielle à l’œuvre dans la jeunesse du grand homme : « Les succès de l’enfance, présage quelquefois si trompeur, ne le furent point dans Charles de Secondat : il annonça de bonne heure ce qu’il devoit être ; et son père donna tous ses soins à cultiver ce génie naissant […] Dès l’âge de vingt ans, le jeune Montesquieu préparoit déjà les matériaux de l’Esprit des Lois […] : ainsi autrefois Newton avoit jetté dès sa première jeunesse les fondemens des ouvrages qui l’ont rendu immortel [56]. » Villemain nous convie à une promenade que l’Antiquité orne de ses images : « En suivant le cours et la variété de ses ouvrages, il semble que nous arrivons au dernier monument de son génie par les mêmes détours qui conduisent lentement aux temples des dieux. Nous avons d’abord traversé ces riants et heureux bocages, qui jadis cachaient la demeure sacrée […] [57]. »

Autres temps, autres métaphores. Roger Caillois emprunte au règne végétal celle du « grand arbre », avec son tronc, ses branches maîtresses, ses ramilles. Pour inscrire dans son édition cette unité radicale, il « mêle » donc tout, « œuvres célèbres et œuvres inconnues, œuvres longuement mûries, œuvres de circonstance, travaux annexes, ébauches et simples matériaux » : avec la disparition des « œuvres diverses » se reconstitue le « contexte ininterrompu » de l’œuvre, le « tissu organique » qui la constitue dans son existence singulière et totale. On lit donc sans étonnement que « l’œuvre entière annonce, commente, reprend et complète l’Esprit des lois [58] ». André Masson préfère l’image minérale, lorsqu’il dit vouloir chercher, en publiant des textes de Montesquieu jusque-là négligés, « l’époque où se sont déposés dans son esprit les sédiments sur lesquels il a construit son œuvre [59] ».

Les quelques textes que nous avons réunis nous paraissent exprimer une idéologie littéraire, c’est-à-dire un ensemble de contraintes, de pré-notions qui informent l’idée de l’œuvre et les pratiques éditoriales. Cette idéologie des « œuvres complètes » et des « œuvres diverses » se forme au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle. La vigueur en reste sensible dans des éditions récentes. Gaëtan Picon, préfaçant les Œuvres diverses dans l’édition de l’Œuvre de Balzac au Club Français du Livre, ne cesse d’opposer l’« insignifiance », la « marginalité », le « chantier disparate » de ces quelques milliers de pages à l’« édifice grandiose » de la Comédie humaine, mais il insiste plus encore sur les « points de tangence » qui « se multiplient » entre les deux : si nous lisons les Œuvres diverses, « c’est que nous en attendons quelque lumière, fût-ce très obliquement projetée, sur l’œuvre qui nous importe plus que toute autre […] A mesure que nous avançons dans le temps, la masse des Œuvres diverses se rapproche de la Comédie humaine [60] ».

Il semble que l’esprit humain n’aime pas le divers : avec quelque évidence que ce dernier s’impose à lui, il travaille avec un art infini à le réduire, et s’il n’y parvient pas, au moins y tend-il toujours.

Notes

[1Introduction, p. 3. On remarque une hésitation dans la désignation, puisque André Masson écrit dans l’introduction du tome II, page IX, que le tome III « contiendra les œuvres posthumes », ce qui est justifié, comme on le verra, par les principes de l’édition.

[2Des Lettres familières et autres œuvres posthumes paraissent à Amsterdam en 1808 ; le tome VIII et dernier de l’édition de Sarrebruck, 1792, est intitulé Œuvres posthumes, ce qui annonce la pratique de la Restauration. Nous devons ces informations à la bibliographie si riche et si utile des œuvres de Montesquieu de 1789 à 1815, établie par Domenico Felice, en complément de son étude sur « Montesquieu en Italie et en France à l’époque révolutionnaire et napoléonienne », dans Modération et Justice, Bologne, 1995, p. 15-30, 185-208.

[3« Des Collections aux Œuvres complètes (1756-1798) », dans La Notion d’œuvres complètes, Oxford, Voltaire Foundation, SVEC 370, 1999, p. 1-12. Voir aussi de Jean Ehrard « Les “Œuvres complètes” de Montesquieu », ibid., p. 49-55, et « Les Œuvres complètes de Montesquieu au XVIIIe siècle », dans Éditer Montesquieu au XVIIIe siècle, Revue française d’histoire du livre 102-103, 1999, p. 127-140, ainsi que l’introduction générale de la présente édition des Œuvres complètes.

[4« Les “Œuvres complètes” de Montesquieu », art. cité, p. 51-52.

[5Œuvres de Montesquieu, éd. Lequien, 1819, t. VIII, p. 17-18 (1re éd., Paris, Firmin Didot, 1816).

[6Académie française. Rapport sur le concours de 1816, Paris, Firmin Didot, s.d., in-4o, p. 4

[7L’expression est de Jean-Alexis Néret, Histoire illustrée de la librairie et du livre français des origines à nos jours, Paris, 1953, cité par Frédéric Barbier, « L’économie éditoriale », Histoire de l’édition française, t. II, Paris, 1984, p. 568 ; voir aussi David Bellos, « La conjoncture de la production », ibid., p. 553-554. J.-A. Néret signale qu’en 1817 un certain Ancelle annonce aussi des Œuvres complètes de Montesquieu, à quoi Lefèvre réplique par sa nouvelle édition de 1818 ; il évoque surtout la lutte effrénée autour des œuvres de Voltaire, et la concurrence ravageuse jusqu’à la crise de 1826 (p. 140-141).

[8On pourrait facilement constater, dans ces années, l’explosion des Œuvres complètes d’auteurs « classiques » ou d’auteurs du XVIIIe siècle, alors qu’ils n’avaient jusque-là que des Œuvres diverses ou des Œuvres.

[9Tome I, préface. On remarquera que dans cette édition, comme en d’autres, la section Œuvres mêlées tient lieu de nos Œuvres diverses.

[10Il nous semble toutefois, contrairement à ce qu’indique aussi Jean Sgard, qu’il ne s’agit pas nécessairement d’ensembles « de moyenne dimension », et qu’il ne faut pas exclure la volonté de totalité : pensons au « Bayle complet en huit volumes in-folio » que les éditeurs des Œuvres diverses disent avoir réalisé (Avertissement du tome IV).

[11Voir par exemple les éditions de Victor Hugo par Jean Massin, de Zola par Henri Mitterand, de Baudelaire par Yves Florenne.

[12Discours prononcé à la rentrée du parlement de Bordeaux, le 12 novembre 1725 (publié en 1771) ; Réflexions sur les causes du plaisir qu’excitent en nous les ouvrages et les productions des beaux-arts (titre donné dans cette édition à l’Essai sur le goût, et qu’il gardera souvent au XIXe siècle) ; Ébauche de l’éloge historique du maréchal de Berwick (paru en tête des Mémoires de ce dernier en 1778).

[13Voir Charles Teisseyre, « Les publications des inédits de Montesquieu au XIXe et au XXe siècle », dans Éditer Montesquieu au XVIIIe siècle (cité ci-dessus note 3), p. 157-185.

[14« Nous aurions désiré pouvoir recueillir tous les manuscrits de ce génie sublime », écrit-il à Denise, fille de Montesquieu (lettre du 1er octobre 1795 citée par Raymond Céleste, « Histoire des manuscrits inédits de Montesquieu », Mélanges, 1892, p. XXI). La lettre de Denise à Plassan et la réponse sont dans le manuscrit Ms 1734 de la bibliothèque municipale de Bordeaux.

[15Voir sur ce point l’introduction de Xavier Védère en tête du tome III de l’édition Masson.

[16Magasin encyclopédique, 3e année, an VI (1797), t. V, p. 97 (compte rendu des Œuvres posthumes in-douze, où Plassan groupe les inédits qui avaient paru dans les Œuvres).

[17Nous aurons l’occasion de signaler quelques additions au cours du XIXe siècle. L’édition Laboulaye ajoute des lettres, quelques imprimés parus du vivant de Montesquieu et « oubliés » : le Traité des devoirs avec les Réflexions sur la considération et la réputation (Bibliothèque française , 1726), et le Voyage à Paphos (Mercure de France, 1727).

[18Sur les circonstances de l’édition, décidée le 18 janvier 1889, jour anniversaire de la naissance de Montesquieu, par le baron Charles de Montesquieu et ses frères, voir Louis Desgraves, « Le fonds de La Brède à la bibliothèque municipale de Bordeaux (Dation de Madame de Chabannes) », Revue française d’histoire du livre 90-91 (1996), p. 94-95, 99.

[19Nous ne mentionnons que ce qui intéresse les Œuvres diverses. Deux opuscules, 1891 (Réflexions sur la monarchie universelle en Europe et De la considération et de la réputation) ; Mélanges inédits, 1892 (Discours sur Cicéron, Éloge de la sincérité, Histoire véritable, Dialogue de Xantippe et de Xénocrate, Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, De la politique, Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie, Lettres de Xénocrate à Phérès, Remarques sur certaines objections que m’a faites un homme qui m’a traduit mes « Romains » en Angleterre, Mémoire sur la Constitution, Mémoire sur les dettes de l’État, Mémoire contre l’arrêt du Conseil du 27 février 1725) ; Voyages, 1894-1896 (avec les Mémoires sur les mines, De la manière gothique et les Souvenirs de la cour de Stanislas Leczinski) ; Pensées et fragments inédits, 1899-1901 ; Histoire véritable, 1902 (nouvelle version) ; Correspondance, 1914 (avec en appendice le Mémoire de ma vie). L’avant-propos des Deux opuscules dressait une liste de vingt et un textes à publier, qui comprend aussi le catalogue de la bibliothèque de Montesquieu, publié par Louis Desgraves en 1954. En dehors de cette série, Paul Bonnefon a publié les Considérations sur les richesses de l’Espagne dans la Revue d’histoire littéraire de la France en 1910.

[20Voir L. Desgraves, Inventaire des documents manuscrits des fonds Montesquieu de la bibliothèque municipale de Bordeaux, Genève, Droz, 1998, et « Le fonds de La Brède à la bibliothèque municipale de Bordeaux », art. cité, p. 91-113.

[21Laboulaye en exclut l’Invocation aux muses (révélée en 1790, et introduite pour la première fois dans les Œuvres complètes de l’an III) pour la rendre à L’Esprit des lois.

[22Tome IV, p. 5.

[23On remarquera que l’édition séparée des Œuvres diverses de 1820 et les Lettres persanes par Montesquieu suivies de ses œuvres diverses excluent également ce dialogue, mais les Œuvres diverses séparées de 1834 l’incluent. L’ouvrage de Domenico Felice déjà cité (voir ci-dessus note 2) permet d’étudier de très près les associations d’œuvres : voir en particulier pour les Romains, les pages 24 à 25, 188 à 191, pour les Lettres persanes, pages 194 à 195, et pour Le Temple de Gnide, p. 205.

[24Ce discours, qui ouvre dignement les éditions d’Œuvres jusqu’au début de la Révolution (et mème dans l’édition Gueffier-Langlois de 1796), est relégué ensuite à sa date parmi les discours académiques (éd. La Roche de l’an III, éd. Plassan, et toutes les suivantes).

[25Ce qui oblige à séparer cette version primitivement connue des « Fragments de l’Essai sur le goût » placés au tome III, pages 529 à 535. L’Invocation aux muses est placée en tête du tome I, après l’introduction.

[26Tome II, p. XCI. Il n’évoque pas les Réflexions sur la sobriété des habitants de Rome, publiées aussi dans la première édition des Voyages, peut-être parce qu’il les rattache aux Mémoires sur les mines, à cause du premier titre biffé que portent ces Réflexions (« Quatrième mémoire. Sur les mines de Rome »). Il joint lui-même aux Voyages la Lettre sur Gênes, mais renvoie aux Œuvres diverses les Notes sur l’Angleterre, présentes dans cette section depuis 1818.

[27Tome III, p. 1559. André Masson attribue à Montesquieu le Voyage à Paphos malgré de fortes hésitations, il y « reconnaît difficilement la marque du grand écrivain » (t. III, p. 237).

[28Ms 2937-2949 en particulier : voir L. Desgraves, « Le fonds de La Brède à la bibliothèque municipale de Bordeaux », art. cité, p. 108-109.

[29« Les “œuvres complètes” de Montesquieu », art. cité, p. 51.

[30Ils avaient été reproduits dans le Cabinet de lecture du 29 janvier 1834. Ils sont encore dans l’édition Laboulaye, avec une citation de La Gironde, où l’on évoque la visite à La Brède, l’« extrême obligeance » de M. de Montesquieu à « communiquer les manuscrits de son illustre aïeul » (t. II, 1876, p. 375). Il s’agit des Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie, section II, texte qui a sans doute rapport avec le projet d’un ouvrage sur Le Prince ou Les Princes, souvent mentionné dans les Pensées.

[31Préface, t. VII, p. II. Le « conte » est le « Metempsycologiste » ou la « Metempsycologie », « probablement un roman oriental ou mythologique » : nous reconnaissons l’Histoire véritable, ou Le Métempsycosiste (titre donné par le Catalogue de 1818). Sur les difficultés rencontrées par Laboulaye, voir le manuscrit Ms 2556 de la bibliothèque municipale de Bordeaux (ancien fonds de La Brède).

[32Tome II, introduction, p. 11.

[33R. Céleste, « Histoire des manuscrits inédits de Montesquieu », Mélanges, 1892, p. VII-XLII ; L. Desgraves, « Les manuscrits de Montesquieu conservés à la bibliothèque de Bordeaux », Humanisme actif. Mélanges d’art et de littérature offerts à Julien Cain, Paris, 1968, p. 619-627, repris dans Montesquieu, l’œuvre et la vie (s.l., 1994), p. 229-239.

[34Ce catalogue est publié au tome III de l’édition Masson, appendice V, p. 1575-1582 ; il a été publié de nouveau par C. Volpilhac-Auger dans le tome 1 des Œuvres complètes (2004) [repris dans Montesquieu. Bibliothèque & éditions, Introductions].

[35Discours sur le système des idées, De la différence des génies, Dissertation sur le ressort, Dissertation sur le mouvement relatif, Discours sur la cause et les effets du tonnerre, Discours sur la formation et le progrès des idées, Dissertation sur la manière d’apprendre et d’étudier la jurisprudence.

[36R. Shackleton, Montesquieu. A critical biography, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 74-75 (nous traduisons). Il nous semble donc qu’il faut caractériser ainsi les Dialogues, les Lettres de Kanti, l’Histoire de la jalousie, la Liberté politique, l’Histoire de France, et que par conséquent Robert Shackleton lui-même a tort de les mettre sur le même plan que Britomare et les deux autres titres cités. À bien plus forte raison Xavier Védère a-t-il tort de faire entrer dans sa liste Sur le bonheur, Harangues, Journaux de livres peu connus.

[37Dans l’ordre des textes mentionnés, voir Pensées, n° 359, 2004, 2245, 1946.

[38Pensées, n° 1111, 1302, 1251.

[39Pensées, n° 220-224, 330-338, 483, 1622, 640, 934-935, 884. Il faudrait sans doute y ajouter Le Prince ou Les Princes, dont il est souvent question dans les Pensées, et dont les Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie faisaient partie. Ce dernier texte, comme ce qui a été publié du Traité des devoirs, est un témoin réel, en dehors des Pensées, des « ouvrages » dont elles supposent l’existence. Sur les Lettres de Kanti, voir de Miguel Benítez « À la recherche d’un manuscrit perdu de Montesquieu : les Lettres de Kanti », dans Montesquieu, les années de formation (1689-1720), Naples, Liguori, 1999, Cahiers Montesquieu n° 5, p. 187-203.

[40Voir « Montesquieu, l’œuvre à venir », Revue Montesquieu 4, 2000, p. 5-25.

[41L. Desgraves, dans l’introduction des Pensées, parle à juste titre de fragments d’œuvres « restées inachevées et aujourd’hui perdues », « seuls fragments connus de ces œuvres » (éd. Masson, t. II, p. LlX). Ce sont donc des œuvres dont toute l’existence tient aux Pensées.

[42Pensées, n° 237.

[43Masson, t. III, p. 7-8 ; il paraît ne pas croire à l’anecdote de l’Histoire de Louis XI jetée au feu par un secrétaire ; L. Desgraves considère au contraire que des témoignages « concordants » interdisent de la mettre en doute (éd. Masson, t. II, p. LIV).

[44Voir Xavier Védère, éd. Masson, t. III, p. 9-10, et Robert Shackleton, Montesquieu. A critical biography, p. 406. Il n’en va pas de même pour l’attribution du Voyage à Paphos, communément acceptée, bien qu’incertaine, et l’Essai touchant les lois naturelles et la distinction du juste et de l’injuste, dans le même cas, a reçu une sorte de consécration de sa publication dans l’édition Masson (t. III, p. 175-199).

[45« Le Démocrite français. Un texte oublié du jeune Montesquieu ? », Dix-Huitième Siècle 2 (1970), p. 3-12.

[46« Lettre Persanne d’un Monsieur de Paris, à un Gentilhomme Turc de ses Amis », avec la « Réponse pour le Gentilhomme Turc » (Étrennes de la Saint-Jean, 4e éd., Troyes, 1757, t. I, p. 25-31). Même si Montesquieu a participé de quelque façon à ce recueil, rien ne permet de lui attribuer aucun des textes qui le composent : voir Shackleton, Montesquieu. A critical biography, p. 184-185.

[47Lettre reproduite par Raymond Céleste dans l’introduction des Mélanges (1892, p. XII-XIII) ; citée en partie par André Masson, introduction aux recueils de notes de Montesquieu (t. II, p. XIV).

[48Œuvres complètes de Montesquieu, éd. Lequien, p. 19.

[49Bordeaux, Bibliothèque municipale, Ms 828/III, page de titre manuscrite portant « Mr de Montesquieu » et « notice des pièces cy enfermées ». Nous présumons qu’elle date des travaux de la « commission académique » (1778-1785).

[50Tome III, p. 5-6, 12.

[51S. l., 1767, p. 6.

[52Le Monde, 6 octobre 1954, cité par André Masson, Avant-propos du tome III de son édition, p. X ; lui-même développe ensuite cette idée. Voir Pascal, Pensées, Brunschvicg, 29.

[53Page II. On se reportera surtout à la préface que Laboulaye a écrite pour le livre de Louis Vian, Histoire de Montesquieu, Paris, 1878, p. I-VI ; dans les éloges de Montesquieu, « on voit l’écrivain, on ne voit pas l’homme. Ce n’est pas assez pour un âge aussi curieux et aussi sceptique que le nôtre » (p. I). Louis Vian lui-même regrette que dans l’Éloge de Villemain l’« homme » soit « effacé par le publiciste » (p. XI). Dans sa Vie de Montesquieu, L.-S. Auger désirait que soit enfin écrite une « histoire » de Montesquieu (Œuvres complètes, Lefèvre, 1818, t. I, p. I-II).

[54Article cité ci-dessus note 3, p. 7.

[55Tome IV, p. 5

[56Encyclopédie, t. V, 1755, p. III. Voir aussi la Vie de Montesquieu par Louis-Simon Auger en tête de l’édition Lefèvre : en s’enfonçant dans « l’étude aride et fastidieuse de la jurisprudence », Montesquieu jeune « amassait, probablement sans y songer, des matériaux pour son grand monument de l’Esprit des lois » (éd. 1818, t. I, p. III).

[57Éd. citée, p. 37.

[58Tome I, p. IX, XIII.

[59Tome I, Introduction, p. C.

[60L’Œuvre de Balzac, publiée sous la direction d’Albert Béguin et de Jean A. Ducourneau, Paris, 1964, t. XIV, p. 7-12, 58. Pierre-Georges Castex, dans la présentation du tome I des Œuvres diverses de Balzac dans la « Bibliothèque de la Pléiade », s’engage plus encore : « Diversité ne signifie pas éparpillement, ni caprice. L’esprit de système qui caractérise le génie de Balzac imprègne tous ses écrits » (t. I, 1990, p. XVII).