Figures de la litote dans <I>L’Esprit des lois et les Pensées Première publication : <I>La Fortune de Montesquieu. Montesquieu écrivain. Actes du Colloque international de Bordeaux (18-21 janvier 1989), Bordeaux, Bibliothèque municipale de Bordeaux, 1995, p. 291-298

, par Volpilhac-Auger, Catherine

Pierre Rétat, sous le signe de Montesquieu

Figures de la litote dans L’Esprit des lois et les Pensées

On analyse avec la plus grande attention les idées de Montesquieu, mais on parle rarement de ce qui reçoit et goûte ces idées : l’âme, cette « suite d’idées », qui cherche sans cesse à voir le plus de choses possible, et à en éprouver l’heureuse surprise. La litote est un de ces plaisirs qu’elle se donne, un des objets du « goût », qui chez Montesquieu est inséparable de la connaissance [1].

Il est de la nature de la litote d’être rare, ce qui rend fort exigu le sujet de cette communication. Je ne suis même pas « comme cet antiquaire qui partit de son pays, arriva en Égypte, jeta un coup d’œil sur les Pyramides, et s’en retourna » (L’Esprit des lois, XXVIII, 45) : j’examine à la loupe quelques détails d’une œuvre immense.

On peut également reprocher au titre même que je choisis une redondance à peine cachée : il annonce les figures d’une figure. Mais il paraît difficile d’exprimer mieux l’activité créatrice qui multiplie les virtualités expressives de la litote, qui en dicte un usage subtil, original, et parfois paradoxal. L’art avec lequel Montesquieu la varie et la suggère n’exige pas seulement l’analyse stylistique, mais une interprétation. Il faut chercher l’esprit de ce trope pour lui rendre, comme le style de L’Esprit des lois nous y invite, toute son énergie.

Dans son traité Des tropes ou des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Dumarsais définit ainsi la litote : « La litote, ou diminution est un trope par lequel on se sert de mots, qui, à la lettre, paraissent affaiblir une pensée dont on sait bien que les idées accessoires feront sentir toute la force : on dit le moins par modestie ou par égard ; mais on sait bien que ce moins réveillera l’idée du plus […]. On appelle aussi cette figure exténuation : elle est opposée à l’hyperbole [2] ».

De cette forme simple, dont tous les traités de rhétorique présentent une définition presque semblable et reconnaissent la parfaite réalisation dans le fameux « Va, je ne te hais point » de Chimène, la préface de L’Esprit des lois offre à elle seule quelques beaux exemples, empreints de modération et de noble fierté : « Je n’ai point naturellement l’esprit désapprobateur » ; « Il n’est pas indifférent que le peuple soit éclairé » : « Je ne crois pas avoir totalement manqué de génie ».

Si l’on se contentait de repérer les énoncés du même type, qui ne sont pas nombreux [3], cette communication n’aurait pas lieu d’être. Il faut, si l’on ne veut pas ignorer les jeux les plus délicats de la litote, aborder un ensemble de phénomènes stylistiques, remarquables dans la prose de Montesquieu, et qu’on peut placer dans sa mouvance, à condition d’analyser avec précision le déplacement sémantique qu’ils produisent. La litote, prise dans un sens large, désigne alors une singularité dans la qualité que l’on affirme.

Elle peut consister d’abord dans une modalisation atténuative.

« Je vais faire une assez sotte chose : c’est mon portrait. »

« Je me connais assez bien ».

« Je n’ai presque jamais eu de chagrin, et encore moins d’ennui […] »

« Je suis presque aussi content avec des sots qu’avec des gens d’esprit. »

« J’ai assez aimé de dire aux femmes des fadeurs » (Pensées, n° 213).

L’autoportrait moral de Montesquieu est dominé par la volonté insistante d’estomper, de brouiller légèrement les lignes. Mais la figure diminutive, assez, presque, n’invite nullement à déchiffrer une intensité compensatoire : la qualité reste réellement atténuée, mais c’est l’acte même de l’atténuation qui acquiert une valeur propre [4]. Il faut, pour annoncer qu’on va faire une « assez sotte chose », la lucidité qui permet le détachement de soi, mais il faut aussi savoir s’arrêter dans la critique ironique pour ne pas en ôter le prix. L’adverbe transforme ici une bravade (faire une sotte chose) en une confession à la fois méritoire et mesurée. La suite de ce fragment des Pensées pourrait donner lieu à une lecture semblable, mais à condition de remarquer aussi la vigueur de l’affirmation dans un grand nombre des notations qui le composent, vigueur qui ne contredit pas, mais confirme la lecture que l’on peut faire de la litote : « ce qui m’a toujours donné assez mauvaise opinion de moi […] ». Dans le beau fragment « Sur le bonheur » (Pensées, n° 1675), les locutions atténuatives exigent également une interprétation : elles désignent ce composé particulier, presque volatil, de simplicité et d’héroïsme, qui forme la sagesse :

« Il est très aisé, avec un peu de réflexion, de se défaire des passions tristes. »

« Il ne faut point beaucoup de philosophie pour être heureux : il n’y a qu’à prendre des idées un peu saines. »

L’atténuation peut porter sur un substantif, et l’affaiblir curieusement pour en voiler le sens exact. Le livre VI, chapitre 9 de L’Esprit des lois présente un magnifique exemple d’une litote de ce type. Tout y peint, en couleurs sombres, le malheur absolu du despotisme, par opposition au bonheur des gouvernements modérés, pour aboutir à cette conclusion : « Lorsque nous lisons, dans les histoires, les exemples de la justice des sultans, nous sentons avec une espèce de douleur les maux de la nature humaine. » Pourquoi la « douleur » tend-elle à s’effacer ? Montesquieu refuse la passion, mais l’expression « la nature humaine », dont la valeur est intense dans L’Esprit des lois, donne à l’indétermination du sentiment qui en perçoit les « maux » une nouvelle force : la « douleur », en devenant mystérieusement autre, s’approfondit. Montesquieu a exprimé ailleurs cette subtile hésitation du sentiment, et suggéré la puissance de ressorts affectifs presque indicibles :

« Les regrets sont une espèce de douleur qui nous est chère. On aime à la sentir : on ne veut point la perdre » (Pensées, n° 299).

« Je m’éveille le matin avec une joie secrète ; je vois la lumière avec une espèce de ravissement […]. Le soir, quand je vais au lit, une espèce d’engourdissement m’empêche de faire des réflexions » (Pensées, n° 213).

« Le sentiment d’admiration que les belles actions [des grands hommes de la patrie] excitent en nous est une espèce de justice que nous leur rendons » (Pensées, n° 1260).

« C’est pour lors que les sens qui restent veulent obstinément suppléer à ceux que l’on a perdus, et que les entreprises du désespoir sont une espèce de jouissance » (L’Esprit des lois, XV, 19).

On décèlerait une intention semblable dans l’usage, assez remarquable, de la locution « un(e) certain(e) » :

« Une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies » (L’Esprit des lois, XIII, 1).

« La fertilité d’un pays donne avec l’aisance la mollesse et un certain amour pour la conservation de la vie » (L’Esprit des lois, XVIII, 4).

« L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte » (L’Esprit des lois, XX, 2) [5].

La litote, que j’appellerai intensive, consiste à nier implicitement le caractère absolu d’une qualité en le modalisant. L’usage en est au premier abord paradoxal, puisque l’adverbe est alors intensif et non plus atténuatif :

« Si cet ouvrage a du succès, je le devrai beaucoup à la majesté de mon sujet » (L’Esprit des lois, Préface).

« Le bon sens et le bonheur des particuliers consiste beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs fortunes » (L’Esprit des lois, V, 3).

« Une religion chargée de beaucoup de pratiques attache plus à elle qu’une autre qui l’est moins : on tient beaucoup aux choses dont on est continuellement occupé » (L’Esprit des lois, XXV, 2).

« Les gens qui veulent toujours enseigner empêchent beaucoup d’apprendre » (Défense de l’Esprit des lois, Œuvres, Pléiade, t. II, p. 1665 [OC, t. 7, p. 112).

« Je suis dans un temps où l’on est beaucoup revenu de l’admiration de l’héroïsme » (Pensées, n° 1183).

« Les vraies afflictions ont leurs délices ; les vraies afflictions n’ennuient jamais, parce qu’elles occupent beaucoup l’âme. » (Pensées, n° 1675).

L’emploi que fait Montesquieu de l’adverbe beaucoup mérite un examen particulier. Il ne désigne pas, ou pas seulement, la simple gradation d’une qualité, ou plutôt il fait passer insensiblement de cette gradation au sentiment que la gradation même est incongrue, qu’elle introduit une intensité là où on attendait la seule affirmation de l’acte verbal. Dire le plus se réduit alors à signifier relativement le moins, à exprimer une modération qui ressemble fort à une suprême ruse. Dans le texte cité de la Défense de l’Esprit des lois, Montesquieu applique aux docteurs de Sorbonne la belle maxime où il transpose son « Invocation aux muses » restée inédite (« Faites que l’on soit instruit et que je n’enseigne pas ») : il y consent, par ce beaucoup, une atténuation dont l’ironie est merveilleusement feutrée [6].

La litote me semble enfin pouvoir être contenue dans le mode verbal, et j’analyserai ainsi, quoiqu’avec prudence, l’usage étonnant du conditionnel dans les célèbres chapitres de L’Esprit des lois sur l’Angleterre (XI, 6 ; XIX, 27), et en quelques autres occurrences (XIV, 13 ; XIX, 5 ; XXIV, 6). Les interprètes de Montesquieu ont remarqué la présentation paradoxale de la constitution et de la société anglaises sous forme de tableau idéal et de déduction à partir des « principes de la liberté politique ». Le conditionnel, comme les expressions de la nécessité (« il faut que », « doit »), répond à la volonté de décrire un modèle général, un système de modération des forces qui dépasse l’exemple anglais, ou les effets moraux qui, les principes de la constitution une fois posés, « ont dû suivre, le caractère qui a pu se former, et les manières qui en résultent » (XIX, 27). Mais le conditionnel, ainsi employé, produit un autre effet : il feint d’affaiblir l’expérience en conjecture, il déréalise le réel pour le lester de nécessité. C’est donc encore, déplacé, le mouvement de la litote qui dicte ce détour expressif. Le conditionnel est la marque extrême de l’audace intellectuelle de Montesquieu dans sa rencontre heureuse et presque magique avec le monde. Il « voit », comme il l’écrit dans la Préface, toutes les conséquences couler des principes, les cas particuliers se plier aux lois générales. Par une grâce continue, la vision peut faire surgir l’image d’un réel dont elle est sûre d’avoir la caution. L’hypothèse est l’expression, apparemment affaiblie, de l’alliance idéale du réel et de la nécessité. Le chapitre sur le suicide en Angleterre manifeste avec éclat l’union de l’évidence totale et de cette forme trompeuse et presque hyperbolique de la conjecture : « Dans une nation à qui une maladie du climat affecte tellement l’âme, qu’elle pourroit porter le dégoût de toutes choses jusqu’à celui de la vie, on voit bien que le gouvernement qui conviendroit le mieux à des gens à qui tout seroit insupportable, seroit celui où ils ne pourroient pas se prendre à un seul de ce qui causeroit leurs chagrins […] » (XIV, 13).

Le même détour ingénieux se remarque dans le chapitre « Sur le génie français » (« s’il y avoit dans le monde une nation […] », XIX, 5), mais c’est un tout autre emploi du conditionnel qui régit le chapitre sur un « Autre paradoxe de Bayle », emploi qui par sa différence permet de mieux comprendre la singularité de l’autre. Montesquieu imagine ce que serait une société de « véritables chrétiens » : « Ce seroit des citoyens infiniment éclairés sur leurs devoirs […]. Les principes du christianisme, bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies, ces vertus humaines des républiques […] » (XXIV, 6). Le conditionnel n’est plus ici le mode de la nécessité, mais celui de l’irréel : la litote fait place à l’ironie froide.

Il faudrait, si l’on voulait donner à cette étude sa plus grande extension, analyser tous les efforts de diminution qui caractérisent la prose de Montesquieu, surtout dans L’Esprit des lois : l’éloquence brève, sorte d’élan court et contracté, la rareté et le caractère fortement symbolique de l’exemple, le refus du développement et du détail, la conclusion élusive, le chapitre paradoxalement court (pensons à la célèbre « Idée du despotisme », V, 13). Mais l’on risquerait d’étendre indûment le champ de la litote ; on entrerait dans celui, qui est immense, de toutes les formes de la condensation, de la brachylogie expressives et dramatiques.

Il convient plutôt de tracer les limites de la litote et d’en dégager la signification. Associée au style classique, elle est généralement sentie comme une marque de modération, de pudeur, de retenue, de discipline de l’émotion et de la passion. Sans doute. Mais elle ne diminue l’expression que pour en augmenter la force, « dans la vue même de donner plus d’énergie et de poids à l’affirmation positive qu’elle déguise », comme dit Fontanier [7]. Il faut donc lui rendre, pour bien la comprendre, toute son « énergie ». Il est certain que, chez Montesquieu, elle est inséparable de la violence, de l’impétuosité qui le caractérisent, et dont ses commentateurs ne prennent pas assez souvent conscience. Elle est un excès contraint, mais la contrainte veut précisément dire l’excès, par une inhibition calculée. Sous cet aspect, elle est assez proche de l’ironie.

Nous devons donc l’envisager dans son rapport avec la figure inverse et complémentaire, l’hyperbole, qui, elle, va « au-delà de la vérité » et pousse la qualité à la limite. Il n’est pas sûr, comme le veulent les rhétoriciens, qu’elle invite toujours à en « rabattre » par une sorte de mécanisme compensatoire [8]. L’intensité extrême qu’elle prête à la qualité invite en effet, de toute façon, à lire l’intention même de signifier l’excès.

Or, et c’est une autre face du style de Montesquieu qu’il suffit d’évoquer ici, l’hyperbole y joue un rôle capital. On recueillerait sans peine les preuves d’une démesure de l’expression, qui se perçoit dans l’usage de l’adjectif et de l’adverbe, dans le retour de formules obsédantes (« tout est perdu »), dans la dramatisation par la mise en scène et le choc des extrêmes. « Admirable » est un des adjectifs dont les occurrences sont sans doute les plus nombreuses dans L’Esprit des lois, et en tout cas les plus remarquables, dans des contextes parfois étonnants. « Le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité » (II, 2) ; l’eau « est d’un usage admirable » dans les pays chauds (XIV, 10) ; « les montagnes de Norvège et de Laponie sont des boulevards admirables qui couvrent » du vent glacial les pays du Nord (XVII, 3) ; « nos colonies des isles Antilles sont admirables » (XXI, 21). On comprend, par ces exemples choisis, que l’adjectif remplit une fonction substitutive, et qu’il désigne des qualités diverses et éminentes ; mais aussi, lorsqu’on le met en série, qu’il veut exprimer l’aptitude même du sujet à découvrir la sagesse, l’utilité ou la beauté. L’écrivain nous fait regarder son regard, et non plus la chose même. Il exhibe un rapport au monde qui est une quête perpétuelle de l’intensité, et du choc qu’elle produit. Il faudrait, à cet égard, analyser, dans le système général qu’ils forment, les adjectifs tels que « éternel », « extrême », « extravagant », « extraordinaire », « atroce »…, ou les adverbes « admirablement », « souverainement [9] », « extrêmement », « prodigieusement »…

Ce goût permanent de l’hyperbole s’allie à celui, non moins énergique, de la contraction, pour le renforcer. Car un des points extrêmes de la force du style, chez Montesquieu, est celui où l’intensité se ramasse sur elle-même, et s’abrège jusqu’à se dérober en quelque sorte. Elle atteint alors aux limites de l’énigme, dont l’obscurité demande une difficile interprétation : « J’appelle ici préjugé, non pas ce qui fait qu’on ignore de certaines choses, mais ce qui fait qu’on s’ignore soi-même » (Préface) ; « et la prière naturelle qu’ils se font toujours l’un à l’autre seroit une troisième loi » (I, 2) [10]. Nous trouvons là un des aspects de l’esthétique de la « surprise », qui domine l’Essai sur le goût. Il s’agit de faire voir beaucoup, ou de laisser supposer qu’on fait voir beaucoup, de créer un choc par la condensation, et parfois par l’évidence obscure de l’énoncé. Un des traits de l’art de Montesquieu consiste dans l’hyperbole sèche et brève, et qui par là tient de la litote, qu’on appellerait, si l’on ne craignait de succomber à la facilité des formules, l’hyperbole-litote.

On saisit parfois Montesquieu dans le mouvement de limitation ou de correction de son propre excès. « Les peuples du Nord sont donc dans un état forcé, s’ils ne sont libres ou barbares ; presque tous les peuples du Midi sont, en quelque façon, dans un état violent, s’ils ne sont esclaves » (XXI, 3) : l’atténuation, qui n’est ici nullement une litote, sert à modérer légèrement l’opposition tranchante de cette « espèce de balancement entre les nations du midi et celles du nord » que Montesquieu annonce au début du chapitre, à tempérer l’ivresse systématique. Ailleurs, l’« univers » dont s’enchante l’imagination de l’auteur des Considérations avoue sa propre exagération : « Quelles causes de prospérité pour la Grèce, que des jeux qu’elle donnait, pour ainsi dire, à l’univers » (XXI, 7).

Il y a enfin des cas où hyperbole et litote jouent l’une avec l’autre, où la première sert à lancer la seconde. Dans le chapitre « De la sévérité des peines », déjà cité, la fin en demi-teinte (« une espèce de douleur ») est préparée par le savant contraste des signes de la démesure despotique, et par l’audace d’un adverbe tout à fait extraordinaire : « un homme exorbitamment favorisé de la fortune » (VI, 9) [11]. À la fin de la préface de L’Esprit des lois, la conjonction de deux énoncés que j’ai analysés, non sans arbitraire, séparément, produit un effet plus subtil : « Si cet ouvrage a du succès, je le devrai beaucoup à la majesté de mon sujet : cependant, je ne crois pas avoir totalement manqué de génie. » Le jeu de la majoration et de la minoration (en interne à chaque partie de l’énoncé, jeu relatif entre ces parties) est ici des plus complexes : ce que j’ai appelé la litote intensive fait fonction de (fausse) hyperbole par rapport à la litote qui suit, et qui réalise la figure dans sa simple perfection.

Notes

[1Voir Essai sur le goût et, pour la « suite d’idées », Pensées, n° 349 et 1675. La numérotation des Pensées est celle de l’édition Masson [qui suit l’ordre du manuscrit], et nous citons l’édition Brèthe de La Gressaye de L’Esprit des lois, Les Belles Lettres, 1950-1961.

[2Éd. de Paris, 1730, p. 118-119.

[3Voir L’Esprit des lois, XXIV, 24 (Montésuma « ne disoit pas une absurdité […] ») et Pensées, n° 1620 : « Ce qui fait que je ne puis pas dire avoir passé une vie malheureuse […] ».

[4n peut hésiter parfois entre le sens premier de assez, suffisamment, et le sens atténuatif. On trouve par exemple le premier dans L’Esprit des lois, XXIII, 9 (« les filles sont […] assez portées au mariage ») mais l’autre est évident dans XXIII, 22 (« Les premiers Romains eurent une assez bonne police sur l’exposition des enfans », éd. de 1757, où assez remplace le très du manuscrit, qui avait été simplement supprimé dans l’édition de 1748).

[5On trouve un effet semblable d’imprécision suggestive dans XVI, 10 (« de certaines garnitures ») et XXIII, 13 (« de certaines règles monastiques »).

[6D’autres adverbes ont la même fonction : « L’ambiguïté convient à la religion, parce que souvent nous croyons plus les choses à mesure qu’elles sont plus reculées » (XXVI, 2) ; « On est ordinairement le maître de donner à ses enfans ses connaissances, on l’est encore plus de leur donner ses passions » (IV, 5).

[7Les Figures du discours, Flammarion, 1977, p. 133.

[8Voir Dumarsais, ouvr. cité ci-dessus note 2, p. 119 : « Ceux qui nous entendent rabattent de notre expression ce qu’il faut rabattre, et il se forme dans leur esprit une idée plus conforme à celle que nous voulons y exciter, que si nous nous étions servis de mots propres ».

[9Des usages remarquables de cet adverbe dans XIV, 2 ; XV, 1 ; XIX, 27 (t. III, p. 32).

[10On interprétera la définition du préjugé en la rapprochant de l’« oubli » de soi dans I, 1 et XII, 4, la « prière naturelle » par les Pensées, n° 209 et 1266.

[11Cet adverbe se trouve dans le Dictionnaire universel de Furetière, mais non dans l’Encyclopédie. Le Littré cite un exemple du XVIe siècle, et ce texte de Montesquieu. Selon l’Encyclopédie, exorbitant « n’est guère relatif qu’à la quantité numérique » (une somme exorbitante). L’adverbe est en tout cas excessivement rare. Le vocabulaire de Montesquieu réserve aussi des surprises.