Montesquieu, Scritti filosofici giovanili (1716-1725), a cura di Domenico Felice Lorenzo Bianchi
Montesquieu, Scritti filosofici giovanili (1716-1725), a cura di Domenico Felice, Bologna, CLUEB, « Quaderni di ‘Dianoia’ », 2010, 108 pages.
Vient de paraître un petit volume qui propose aux lecteurs italiens la traduction de quelques écrits de jeunesse de Montesquieu. Le livre est édité par Domenico Felice, qui a consacré à la pensée du Président de nombreuses études, soit comme auteur soit comme éditeur de textes [1] – présente la traduction italienne de sept écrits du Président : la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion (1716), le Discours sur Cicéron (vers 1717), l’ Éloge de la sincérité (vers 1719), le Dialogue de Sylla et d’Eucrate (1724), De la considération et de la réputation (1725), le Discours sur l’équité qui doit régler les jugements et l’exécution des lois (1725), De la politique (1725).
À côté de ces écrits on trouve les deux « Appendices » terminant De la politique, l’opuscule qui permet à Montesquieu de publier les chapitre XIII et XIV du Traité des devoirs, resté inachevé et finalement perdu. Le premier Appendice contient l’Analisi del “Trattato dei doveri”, soit la traduction italienne d’un texte qui analyse le Traité des devoirs, publié dans la Bibliothèque française, ou Histoire littéraire de la France au mois de mars 1726. Il s’agit d’un compte rendu anonyme – en fait composé par Jean-Jacques Bel, conseiller au parlement de Bordeaux et ami de Montesquieu – de la session publique de l’académie royale de Bordeaux, le 1er premier mai 1725, où le Président avait parlé de son Traité des devoirs. Le deuxième Appendice, Pezzi del mio progetto di “Trattato dei doveri”, publie la traduction, partielle ou intégrale, de quelques passages des Pensées de Montesquieu relatifs au Traité des devoirs [2] – . Le titre de cette deuxième section est tiré d’une note du Président (Pensées, no 1251 :
Ce sont des morceaux de mon projet de Traité sur les devoirs.
Comme on peut lire dans la Nota ai testi (p. 9) qui précède les textes, la traduction a été faite sur les textes publiés par R. Caillois dans son édition des Œuvres complètes de Montesquieu [3] mais l’appareil critique tient aussi compte de l’annotation de la nouvelle édition critique des Œuvres complètes de Montesquieu [4]. D. Felice a traduit la Dissertation sur la politique des Romains dans la religion, le Discours sur Cicéron et De la politique, ainsi que les deux Appendices sur le Traité des devoirs ; la traduction des autres textes est due à D. Monda (Éloge de la sincérité, De la considération et de la réputation), P. Venturelli (Dialogue de Sylla et d’Eucrate) et G. Zamagni (Discours sur l’équité).
La traduction italienne est bonne dans l’ensemble et les annotations donnent au lecteur des renseignements utiles à la lecture ainsi que de profitables renvois aux écrits majeurs du Président. La datation des textes proposée par D. Felice reprend les résultats critiques les plus récents à propos de deux textes dont la date de composition est incertaine. Pour le Discours sur Cicéron il propose la date probable de 1717, suivant la conclusion de P. Rétat dans son Introduction à l’édition critique de ce texte [5], tandis que pour la date de composition de l’Éloge de la sincérité il choisit la date de 1719 proposée récemment par C. Volpilhac-Auger qui corrige de façon convaincante la datation de 1717 proposée par S. Mason [6].
Ce recueil de textes offre donc aux lecteurs des écrits de jeunesse de Montesquieu qui n’étaient pas facilement accessibles en langue italienne ou qui étaient cachés dans des anthologies qui remontent à quelque dizaine d’années [7]. Ce livre se présente comme un instrument très utile à la connaissance de textes qui sont au cœur de la formation théorique et historique du Président. Le choix des écrits présentés suit un itinéraire axé sur l’histoire et la politique, fondamental dans les œuvres majeures de Montesquieu et en particulier dans L’Esprit des lois. Mais ce choix est aussi sélectif.
On n’y retrouve pas, par contre, des écrits comme l’Essai d’observations sur l’histoire naturelle (1719) ou le Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences (1725) qui illustrent un autre penchant du jeune Montesquieu : son intérêt pour les sciences et pour le cartésianisme, souvent lié aux débats qui se déroulent à l’académie de Bordeaux. Ce deuxième volet de la pensée du Président, qui aborde des thèmes biologiques ou médicaux et qui se confronte au cartésianisme – Montesquieu se définit dans l’Essai d’observations comme « cartésien rigide » – est tout à fait central dans sa formation et laissera aussi des traces évidentes dans L’Esprit des lois, soit dans la structure du texte (l’idée même de lois, avant tout) soit dans la tension continuelle entre nature et histoire.
Une “Introduction”, même brève, à cette anthologie aurait pu expliquer et justifier le choix fait par l’éditeur ; elle aurait aussi permis d’aider le lecteur à mieux suivre l’itinéraire théorique du jeune Montesquieu et à mieux reconnaître les liens, explicites ou souterrains, qui unissent ces écrits de jeunesse.
Lorenzo Bianchi
Université L’Orientale, Naples