La réception du livre XV dans l’Italie du Settecento Alessandro Tuccillo (Naples)

, par Tuccillo, Alessandro

Biographie

Docteur en Histoire moderne de l’Université de Naples-Federico II, chercheur post-doc de la MMSH-Université de Provence en 2011, Alessandro Tuccillo a soutenu en 2010 une thèse sur la circulation des idées antiesclavagistes dans l’Italie du XVIIIe siècle.

Résumé

(communication non disponible en vidéo)

La critique de l’esclavage élaborée par les Lumières a pendant longtemps été accusée d’ethnocentrisme, d’eurocentrisme et taxée de représenter la superstructure idéologique du capitalisme en expansion vers les territoires coloniaux. En revanche, l’antiesclavagisme des Lumières est désormais soustrait aux regards minimalistes formulés au sein des débats sur la décolonisation et replacé dans son propre contexte historique. La récente monographie de Jean Ehrard Lumières et esclavage (2008) représente une synthèse efficace de cette orientation de la recherche.

À l’encontre d’une tradition monolithique de légitimation de l’esclavage, qui remonte à l’antiquité classique et à la pensée chrétienne, les philosophes contestent cette institution en s’appuyant sur des arguments d’ordres juridique, moral et économique. Ainsi, à partir de la réflexion de Montesquieu dans le livre XV de l’Esprit des lois, la prise de conscience progressive de l’inadmissibilité de l’esclavage fait du statut de l’esclave une sorte d’anti-modèle au projet d’émancipation de l’homme propre aux Lumières.

Loin d’intéresser seulement les pays directement impliqués dans la colonisation, l’esclavage est un sujet d’étude pour tous ceux qui s’interrogent sur la définition des droits de l’homme. En témoigne le fait que les noirs travaillant dans les plantations ont notamment représenté le paradigme de la négation de ces droits. Or, la circulation des idées des Lumières offre un point de vue privilégié pour observer l’élaboration de positions antiesclavagistes en dehors des trois contextes les plus étudiés : les espaces anglais, français et américains. Dans les milieux culturels éclairés des États italiens, les textes des philosophes français furent des outils de réflexion fondamentaux.

Il s’agit de livrer quelques résultats de nos recherches de thèse sur : Culture des Lumières et esclavage colonial. La circulation des idées antiesclavagistes en Italie au XVIIIe siècle (Naples, 2010, sous la direction de Mme. A. M. Rao et de M. G. Imbruglia). Le livre XV de l’Esprit des lois est analysé au regard des nombreuses pistes d’interprétation de ce texte que nous pouvons tirer des lectures italiennes du XVIIIe. En effet, les critiques incisives du juriste méconnu Ermenegildo Personé, les pages élogieuses de Stefano Bertolini, le commentaire rousseauiste de Francesco Dalmazzo Vasco permettent, à la fois, de saisir l’enjeu de la réflexion sur l’esclavage en Italie au XVIIIe siècle et d’interroger les fondements théoriques de l’antiesclavagisme de Montesquieu. On cherchera à mettre en évidence l’importance qu’acquiert la réfutation de la théorie de l’esclavage proposée par l’école du droit naturel moderne (Grotius, Hobbes, Pufendorf, mais aussi Locke et Barbeyrac) dans l’élaboration critique de Montesquieu. Abordée de cette perspective, la critique de Montesquieu dénonçant les jurisconsultes romains comme n’étant « pas sensées » (EL, XV, 2) dépasse largement le texte des Institutiones du Corpus iuris civilis pour s’adresser à l’ensemble de la tradition juridique et philosophique légitimant l’esclavage.

Mots-clés : Esclavage, Lumières, Jusnaturalisme, droit romain, circulation des idées

Plan de l’intervention

I. Lumières et esclavage
II. La circulation des idées antiesclavagistes
III.Le livre XV de L’Esprit des lois au prisme des lectures italiennes du XVIIIe siècle